Le cinéma, un business model très traditionnel, assez éloigné des données
Qu’il s’agisse du cinéma en salle ou des « drive-in », le modèle économique de la diffusion de films en salles n’a pas beaucoup évolué depuis plusieurs décennies. Les spectateurs payent un droit d’entrée, s’installent, consomment quelques produits dérivés, profitent du spectacle, en s’en vont.
La plupart du temps, ils restent anonymes. A l’exception de quelques cartes de fidélité, la collecte d’informations sur la fréquentation qualitative, reste basée sur des sondages et enquêtes très traditionnels. Des millions de spectateurs chaque année, dont on ne sait finalement pas grand chose. Quant à la perception, la satisfaction, le retour client… il se limitent encore une fois à quelques sondages et une éventuelle analyse des médias sociaux.
Certes, des chaînes de distribution comme Gaumont ont tenté de jouer la carte de l’illimité - limitée à leur propre circuit de distribution - avec le Pass Intégral Gaumont, qui permet d’aller au cinéma autant de fois qu’on le souhaite grâce à un abonnement mensuel de 23,5 euros. Si l’on s’abonne au téléphone, au câble, à la télévision, pourquoi ne pas s’abonner au cinéma ? Mais ces initiatives n’ont pas fondamentalement bouleversé le secteur. Ce sont principalement les grands consommateurs de 7ème art qui y ont souscrit.
Existe-t-il alors une place pour un nouveau modèle ? Qui s’appuierait sur les données pour créer de nouvelles sources de revenu, et qui utiliserait les ressorts du paiement "indolore", un abonnement à faible coût, directement prélevé sur le compte du client… C'est ce qu'a imaginé MoviePass.
L'idée est simple : un abonnement à 9,95$ par mois, directement prélevé, et qui permet d'aller ensuite d'aller au cinéma une fois par jour, sans restriction de distributeur ou de salle.
La plupart du temps, ils restent anonymes. A l’exception de quelques cartes de fidélité, la collecte d’informations sur la fréquentation qualitative, reste basée sur des sondages et enquêtes très traditionnels. Des millions de spectateurs chaque année, dont on ne sait finalement pas grand chose. Quant à la perception, la satisfaction, le retour client… il se limitent encore une fois à quelques sondages et une éventuelle analyse des médias sociaux.
Certes, des chaînes de distribution comme Gaumont ont tenté de jouer la carte de l’illimité - limitée à leur propre circuit de distribution - avec le Pass Intégral Gaumont, qui permet d’aller au cinéma autant de fois qu’on le souhaite grâce à un abonnement mensuel de 23,5 euros. Si l’on s’abonne au téléphone, au câble, à la télévision, pourquoi ne pas s’abonner au cinéma ? Mais ces initiatives n’ont pas fondamentalement bouleversé le secteur. Ce sont principalement les grands consommateurs de 7ème art qui y ont souscrit.
Existe-t-il alors une place pour un nouveau modèle ? Qui s’appuierait sur les données pour créer de nouvelles sources de revenu, et qui utiliserait les ressorts du paiement "indolore", un abonnement à faible coût, directement prélevé sur le compte du client… C'est ce qu'a imaginé MoviePass.
L'idée est simple : un abonnement à 9,95$ par mois, directement prélevé, et qui permet d'aller ensuite d'aller au cinéma une fois par jour, sans restriction de distributeur ou de salle.
MoviePass adapte le modèle de Netflix aux salles de cinéma
Ce modèle vous rappelle quelque chose ? Oui, bien sur, Netflix, et son service de vidéo à la demande, qui a conquis des millions d'utilisateurs dans le monde, et qui vous propose, pour moins de 10$ par mois, de consommer autant de films et séries que vous le souhaitez. MoviePass, propose donc un "Netflix du cinéma". Et c'est un connaisseur qui dirige depuis l'an dernier MoviePass, Mitch Lowe, co-fondateur de Netflix.
Comment cela fonctionne ? MoviePass vous propose de souscrire un abonnement, directement prélevé chaque mois sur votre compte bancaire. En échange, vous recevez une carte de paiement, similaire à une carte de débit bancaire, qui vous permet de "payer" vos places de cinéma, jusqu'à une séance chaque jour. C'est cette carte de paiement, qui permet à MoviePass d'être directement compatible avec l'ensemble des circuits de distribution et salles de cinéma, sans même avoir à négocier leur affiliation. Car l'idée de MoviePass est de payer aux salles de cinéma le prix normal de chaque entrée !
Pendant plusieurs années, le modèle risque donc d'être très largement déficitaire ! D'un côté des clients qui payent 10$ par mois, le prix d'une place de cinéma (aux États-Unis, le prix moyen d'une place de cinéma est cette année de 8,89$; un prix qui a doublé en vingt ans), et de l'autre MoviePass qui paye aux salles 10$ à chaque fois qu'un client va voir un film… Il suffit que vous alliez une fois par semaine en moyenne au cinéma pour que chaque client génère en moyenne 30$ de déficit par mois ! Certes Netflix est habitué aux déficits, depuis des années. Là encore c'est le financement par des investisseurs qui croient au modèle, qui permettra à MoviePass de perdre ainsi des millions pendant plusieurs années.
Sur le moyen terme, il faudra d'abord que la consommation se stabilise. Si seuls les passionnés de cinéma utilisent le service, et consomment plusieurs films par semaine, le modèle restera déficitaire et ne sera jamais viable. Tout comme les salles de sport gagnent plus d'argent avec les clients qui s'abonnent, pleins de bonnes intentions, mais ne viennent jamais; MoviePass devra trouver un équilibre entre les clients qui payent 10$ et consomment plusieurs dizaines de fois ce montant, et ceux qui payent 10$ et oublient d'utiliser le service. D'ailleurs, MoviePass, créé en 2011, avait initialement lancé son service sous forme d'un abonnement similaire à ceux des clubs de gym, en espérant générer de la marge sur les utilisateurs qui paient un abonnement mensuel de 30$ mais n'utilisent pas autant le service.
Pour l'instant MoviePass cherche à lever des fonds supplémentaires, et une introduction en bourse serait prévue pour mars 2018.
Comment cela fonctionne ? MoviePass vous propose de souscrire un abonnement, directement prélevé chaque mois sur votre compte bancaire. En échange, vous recevez une carte de paiement, similaire à une carte de débit bancaire, qui vous permet de "payer" vos places de cinéma, jusqu'à une séance chaque jour. C'est cette carte de paiement, qui permet à MoviePass d'être directement compatible avec l'ensemble des circuits de distribution et salles de cinéma, sans même avoir à négocier leur affiliation. Car l'idée de MoviePass est de payer aux salles de cinéma le prix normal de chaque entrée !
Pendant plusieurs années, le modèle risque donc d'être très largement déficitaire ! D'un côté des clients qui payent 10$ par mois, le prix d'une place de cinéma (aux États-Unis, le prix moyen d'une place de cinéma est cette année de 8,89$; un prix qui a doublé en vingt ans), et de l'autre MoviePass qui paye aux salles 10$ à chaque fois qu'un client va voir un film… Il suffit que vous alliez une fois par semaine en moyenne au cinéma pour que chaque client génère en moyenne 30$ de déficit par mois ! Certes Netflix est habitué aux déficits, depuis des années. Là encore c'est le financement par des investisseurs qui croient au modèle, qui permettra à MoviePass de perdre ainsi des millions pendant plusieurs années.
Sur le moyen terme, il faudra d'abord que la consommation se stabilise. Si seuls les passionnés de cinéma utilisent le service, et consomment plusieurs films par semaine, le modèle restera déficitaire et ne sera jamais viable. Tout comme les salles de sport gagnent plus d'argent avec les clients qui s'abonnent, pleins de bonnes intentions, mais ne viennent jamais; MoviePass devra trouver un équilibre entre les clients qui payent 10$ et consomment plusieurs dizaines de fois ce montant, et ceux qui payent 10$ et oublient d'utiliser le service. D'ailleurs, MoviePass, créé en 2011, avait initialement lancé son service sous forme d'un abonnement similaire à ceux des clubs de gym, en espérant générer de la marge sur les utilisateurs qui paient un abonnement mensuel de 30$ mais n'utilisent pas autant le service.
Pour l'instant MoviePass cherche à lever des fonds supplémentaires, et une introduction en bourse serait prévue pour mars 2018.
Les données collectées, seconde source de revenu pour MoviePass
Photo by Jake Hills on Unsplash
Le modèle économique proposé ne peut donc pas facilement être rentable à lui seul. Et c'est là que les données collectées trouvent leur utilité. Chaque abonné devra, bien sûr, tout d'abord fournir un certain nombre d'informations sur son profil : âge, nom, prénom, adresse, numéro de compte ou de carte bancaire… mais également sans doute, des informations plus détaillées sur son profil socio-économique, ses centres d'intérêt, etc.
Puis, grâce à la carte de débit, MoviePass collectera toutes les informations sur les films vus, les horaires, le nombre de spectateurs, le lieu… le croisement de toutes ces informations fournira des données quantitatives et qualitatives précises sur l'audience d'un film. Comme nous l'indiquions en introduction, ce travail est uniquement fait aujourd'hui sous forme de sondages. MoviePass fera donc passer l'analyse de l'audience d'un film, de l'échantillonnage statistique à l'analyse Big Data. Exactement la même évolution que Netflix, qui permet de passer de "l'audimat" à l'analyse one-to-one, des audiences de télévision à la demande.
Cette analyse d'audience pourra générer des revenus publicitaires ou des ventes de produits dérivés, de manière assez classique.
Pour aller plus loin, on peut imaginer que MoviePass profitera de sa relation privilégiée avec ses abonnés pour collecter d'autres données, au travers des médias sociaux bien sûr, mais également, par exemple, sous forme de questionnaires de satisfaction.
Et ces données pourront être revendues, sous forme de données brutes et, plus rémunérateur, sous forme d'analyses. Un producteur pourra ainsi comprendre les cibles de spectateurs qui apprécient tel type de film, tel acteur, telle histoire ou la combinaison de tous ces critères, et s'en servir pour orienter ses futures productions.
Puis, grâce à la carte de débit, MoviePass collectera toutes les informations sur les films vus, les horaires, le nombre de spectateurs, le lieu… le croisement de toutes ces informations fournira des données quantitatives et qualitatives précises sur l'audience d'un film. Comme nous l'indiquions en introduction, ce travail est uniquement fait aujourd'hui sous forme de sondages. MoviePass fera donc passer l'analyse de l'audience d'un film, de l'échantillonnage statistique à l'analyse Big Data. Exactement la même évolution que Netflix, qui permet de passer de "l'audimat" à l'analyse one-to-one, des audiences de télévision à la demande.
Cette analyse d'audience pourra générer des revenus publicitaires ou des ventes de produits dérivés, de manière assez classique.
Pour aller plus loin, on peut imaginer que MoviePass profitera de sa relation privilégiée avec ses abonnés pour collecter d'autres données, au travers des médias sociaux bien sûr, mais également, par exemple, sous forme de questionnaires de satisfaction.
Et ces données pourront être revendues, sous forme de données brutes et, plus rémunérateur, sous forme d'analyses. Un producteur pourra ainsi comprendre les cibles de spectateurs qui apprécient tel type de film, tel acteur, telle histoire ou la combinaison de tous ces critères, et s'en servir pour orienter ses futures productions.
De quoi relancer le débat Statisticiens vs Data Scientists
Cette évolution, de l'échantillonnage à l'analyse exhaustive des données détaillées, ne manquera pas de relancer le débat, toujours passionné, entre les tenants de l'analyse statistique traditionnelle - basée sur la création de modèles à base d'échantillons de données dans une démarche itérative - et les "jeunes" data scientists, utilisateurs de big data, et qui ne jurent que par l'analyse détaillée de toutes les données individuelles disponibles.
Cette évolution n'est pourtant pas aussi récente qu'on pourrait le penser. Déjà en 2011, le site internet Allociné, spécialisé dans le cinéma français, travaillait sur plusieurs niveaux d'analyse prédictive : au travers d'un moteur de recommandation - c'était à l'époque Kxen qui avait été choisi - et au travers d'analyses prédictives de tendances, permettant de vendre aux producteurs des prévisions de recettes, en fonction de l'analyse des comportements des internautes, en particulier dans les forums thématiques du site. Mais cela se limitait à l'audience francophone de Allociné. Avec MoviePass, c'est l'ensemble du marché américain, et peut-être mondial par la suite, qui pourrait être concerné par cette évolution.
Cette évolution n'est pourtant pas aussi récente qu'on pourrait le penser. Déjà en 2011, le site internet Allociné, spécialisé dans le cinéma français, travaillait sur plusieurs niveaux d'analyse prédictive : au travers d'un moteur de recommandation - c'était à l'époque Kxen qui avait été choisi - et au travers d'analyses prédictives de tendances, permettant de vendre aux producteurs des prévisions de recettes, en fonction de l'analyse des comportements des internautes, en particulier dans les forums thématiques du site. Mais cela se limitait à l'audience francophone de Allociné. Avec MoviePass, c'est l'ensemble du marché américain, et peut-être mondial par la suite, qui pourrait être concerné par cette évolution.
Demain, le spectateur décidera-t-il de la suite de l'histoire ?
Photo by Jakob Owens on Unsplash
Transformer la décision en action ! C'est bien sur le rêve de tout analyste de données. Et c'est le rêve de tout producteur de cinéma de produire exactement le film qui plaira à l'audience, et lui permettra de réduire son risque, en maximisant ses bénéfices. Tout comme Netflix est devenu producteur de séries et de films de télévision, MoviePass pourrait, par la suite, être tenté de produire ses propres films, en s'appuyant sur la connaissance pointue des goûts et des profils des spectateurs. Ils construiraient alors le scénario idéal, embaucheraient les acteurs les plus "bankables" non pas selon les critiques, mais selon les spectateurs. Et ce ne seront pas forcément les mêmes. Si vous comparez les meilleurs restaurants sur TripAdvisor, et les meilleurs restaurants d'un guide gastronomique, vous constaterez que le choix du public diffère souvent du choix des critiques officiels.
Sans produire ses propres films, MoviePass pourrait tout simplement revendre les analyses de ses données aux producteurs, afin de leur indiquer comment orienter une histoire, quelles scènes privilégier, etc. On s'interrogera alors sur le rôle futur de la création artistique. Déjà les séries à succès, comme House of Cards produite par Netflix, sont fabriquées de manière quasi-industrielle. Ce sera peut-être demain le cas du cinéma.
Dans le domaine de la musique, Spotify ou Apple Music proposent déjà des abonnements sans limite de consommation. Leur modèle économique s'appuie pour le moment sur une rémunération plus faibles des auteurs/compositeurs/producteurs/interprètes de musique. Ni Apple, ni Spotify, ne communiquent sur les éventuelles données collectées, analysées, et peut-être revendues, sur les usages et habitudes musicales. Elles alimentent déjà en interne les moteurs de recommandation, mais là encore, ces données pourraient être utilisées par les producteurs pour influencer les artistes et leur travail. Seront-ils alors encore des "artistes" ? Ou deviendront-ils des fabricants de contenu ?
Dans le domaine du livre, des expériences d'abonnement et de paiement à la consommation, avec collecte détaillée de données sur les usages du livre numérique ont été testées - par Amazon en particulier. Mais pour l'instant sans grand succès. En particulier en raison de la réticence des éditeurs à proposer leur catalogue au travers d'abonnements. Mais si un équivalent de MoviePass trouvait comment court-circuiter cette autorisation, un modèle similaire pourrait voir le jour.
Big Data et science des données vont continuer de bouleverser le monde du divertissement et de la culture. Plus de données collectées, plus d'analyses, plus de "production" et moins de "création". Est-ce positif pour le consommateur que nous sommes ? Qu'en pensez-vous ?
Sans produire ses propres films, MoviePass pourrait tout simplement revendre les analyses de ses données aux producteurs, afin de leur indiquer comment orienter une histoire, quelles scènes privilégier, etc. On s'interrogera alors sur le rôle futur de la création artistique. Déjà les séries à succès, comme House of Cards produite par Netflix, sont fabriquées de manière quasi-industrielle. Ce sera peut-être demain le cas du cinéma.
Dans le domaine de la musique, Spotify ou Apple Music proposent déjà des abonnements sans limite de consommation. Leur modèle économique s'appuie pour le moment sur une rémunération plus faibles des auteurs/compositeurs/producteurs/interprètes de musique. Ni Apple, ni Spotify, ne communiquent sur les éventuelles données collectées, analysées, et peut-être revendues, sur les usages et habitudes musicales. Elles alimentent déjà en interne les moteurs de recommandation, mais là encore, ces données pourraient être utilisées par les producteurs pour influencer les artistes et leur travail. Seront-ils alors encore des "artistes" ? Ou deviendront-ils des fabricants de contenu ?
Dans le domaine du livre, des expériences d'abonnement et de paiement à la consommation, avec collecte détaillée de données sur les usages du livre numérique ont été testées - par Amazon en particulier. Mais pour l'instant sans grand succès. En particulier en raison de la réticence des éditeurs à proposer leur catalogue au travers d'abonnements. Mais si un équivalent de MoviePass trouvait comment court-circuiter cette autorisation, un modèle similaire pourrait voir le jour.
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