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Que valent les SSII du décisionnel ?


Rédigé par par Philippe Nieuwbourg le 23 Octobre 2008



Business et Decision
Business et Decision
Moins de 80 millions d'euros ! Non, ce n'est pas la valeur d'une SSII moyenne dans notre marché de l'informatique décisionnelle, mais la capitalisation boursière totale des cinq principales sociétés de services spécialisées cotées à la bourse de Paris ! Moins de 80 millions d'euros, c'est la valeur cumulée de Business et Decision, Micropole-Univers, Umanis, Keyrus et Homsys. Introduites sur le marché lors des périodes euphoriques, la cotation des SSII spécialisée trinque depuis plusieurs années. Inutile de mettre cela sur le dos de la crise financière, elle n'a pas arrangé les affaires de leurs actionnaires, mais la tendance est plus lourde.
Patrick Bensabat, Laurent Piepszownik, Eric Cohen, Christian Poyau, Yannick Gonneau, regrettent-ils aujourd'hui d'avoir succombé aux sirènes de la bourse ?

Une faible valorisation qui s'explique en grande partie par le faible niveau de résultat dégagé par les cinq sociétés de notre panel. Bien que réalisant au total en 2007 plus de 472 millions d'euros de chiffre d'affaires, nos cinq sociétés spécialisées ne sont parvenues au total à dégager que 10,64 millions d'euros de résultat net. Une très faible rentabilité de 2,25 % qui de plus cache des disparités importantes. Le ratio résultat net / chiffre d'affaires est en effet de 3,42 % pour Homsys et Business & Decision, alors qu'il s'établit à 2,17 % pour Micropole-Univers, 1,17 % pour Umanis, et n'est que de 0,62 % pour Keyrus.

Les valorisations boursières de ces sociétés cotées s'en ressentent directement puisque à ce jour, la plus importante est Business & Decision qui représente plus de 40 % de la valeur totale de notre panel, à 33,28 millions d'euros. Micropole-Univers vaut 18,05 millions d'euros, et en bas du tableau, Umanis est valorisé à 9,85 millions, Homsys à 9,70 millions et Keyrus ne "vaut" que 8,37 millions d'euros.
Les PER (ratio entre la capitalisation boursière et le résultat) peuvent également être comparés. Seule Business & Decision semble sous-valorisée avec un PER de 4,82. Les quatre autres évoluent avec un PER important, entre 10 et 15 ans.

Ces capitalisations faibles sont clairement un handicap pour nos sociétés. Elles doivent déjà s'astreindre à un formalisme et une communication financière coûteuse. Mais la faible valorisation est surtout un accroc à leur stratégie de fidélisation des consultants. Ceux qui ont souhaité profiter de l'introduction en bourse pour s'associer au capital de leur entreprise en sont pour leurs frais, et les nouvelles recrues ne voient pas un véritable intérêt à cet investissement.
Le faible niveau de valorisation de ces sociétés les rend également fragiles et vulnérables, même si leur flottant reste souvent très limité et leur capital détenu par quelques mains amies et dirigeantes. Cette fragilité pourrait paradoxalement être aussi leur voie de salut. Le regroupement de plusieurs acteurs en un pôle unique apporterait à cette nouvelle entité une taille critique intéressante, mieux à même de lutter contre les SSII généralistes et plus adapté à profiter à un niveau européen voir mondial, de la reprise qui suit toute crise économique ou financière. Mais qui osera se lancer dans une telle opération de mécano industriel ?

Les données financières ont été extraites des sites des sociétés et les cotations proviennent de www.boursorama.com.

Keyrus
Keyrus

Homsys
Homsys

Micropole-Univers
Micropole-Univers





Commentaires
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8.Posté par Patrick De Freine le 28/10/2008 10:52
En réponse à l'intéressant point de vue de Michel ALBO, intéressant parce que judicieusement argumenté, je me pose quelques questions : quel est le métier d'une SSII ? Une SSII cotée fait-elle le même métier qu'une SSII non cotée ? De la même manière ? Avec les mêmes objectifs ? Abaisser les coûts de développement pour augmenter la marge peut se faire intelligemment via la mise en oeuvre de méthodes pointues de gestion de projet, de contrôle qualité... mais aussi moins intelligemment (je plaide coupable pour le jugement de valeur) en déplaçant la pression sur les équipes. Côté conseil, le débat est plus délicat (cfr pt de vue de Renaud) : le conseil c'est de la méthode mais c'est surtout de la qualité, parfois plus personnalisée que la SSII le souhaiterait. La croissance, liée aux règles du marché, est un fait établi. Mais la croissance, en tant que dogme, j'ai comme un doute. Je garde des souvenirs lumineux de mes quatre années de travail chez SQLI à l'époque où nous n'étions qu'une poignée, tout comme je garde des souvenirs également lumineux de mon passage chez CGEY. Sauf que côté relations humaines, côté ambiance, il n'y a jamais eu photo. Tant que les clients ne le savent pas.

7.Posté par David C le 27/10/2008 10:40
Quelques mots sur la valorisation du capital immatériel que représentent le savoir faire, la gouvernance et la stratégie : ces paramètres sont à priori pris en compte par les marchés, à travers des notes d'analystes qui donnent des indications sur l'évolution des marchés, et des évolutions des sociétés qui les composent.
Je pense en revanche que les acteurs du décisionnel sont actuellement trop petits pour dégager une notoriété suffisante, qui leur permette de grandir et d'intéresser les investisseurs, qui achètent des résultats actuels, et des résultats prévisionnels. Une vague de concentration, en polarisant des ressources, permettrait de mieux résister aux directions achat des grands groupes, mais aussi d'avoir une puissance de communication que n'ont pas les SSII du décisionnel.
Il faudra pour cela que les acteurs actuels passent sur leurs divergences pour s'allier. Certains l'on fait en vendant leurs activités à de plus grans groupes, moins spécialisés (predixio avec BT, Amphaz avec SQLI, Artens avec Viseo), aux autres d'avancer.

6.Posté par Michael ALBO le 26/10/2008 12:17
Bonjour Vincent,

Je peux comprendre ton point de vue mais, dans ces conditions, il ne faut pas faire appel au marché.
Un investisseur (qu'il soit un institutionnel ou le retraité du coin de la rue) n'attend qu'une chose lorsqu'il achète un titre : des dividendes.
Il ne s'attache pas à l'entreprise et ne développe pas de lien émotionnel avec elle. Le bien-être des consultants lui importe à condition que celui-ci se reflète dans les résultats.
Un investisseur apporte des capitaux à une entreprise afin de lui permettre de financer sa croissance (rentable si possible). Il prend un risque financier et demande en échange une rémunération de ce risque (sinon il placerait son cash dans un livret A ou un compte à terme).
Les entreprises décisionnelles, malgré leur profil de risque important, rémunère, en ce moment, moins qu'un simple livret A. Il ne faut pas s'étonner qu'elles soient délaissées.
Concernant ta première remarque (une vision purement financière serait à l'origine de la crise), je pense au contraire que la crise s'est déclarée parce que la rationalité financière n'a pas été respectée et que des risques inconsidérés ont été pris en dépit du bon sens.
Comprends moi, mon propos n'est ni cynique, ni moral. Il est avant tout utilitariste. La finance a des règles. La valorisation des entreprises en fait partie.
Certains patrons de SSII ont pris la décision de faire appel à l'épargne publique et se félicitaient de leur choix lorsque les marchés valorisaient leur société de façon flatteuse. Dans les périodes fastes, ces entreprises ont profité de la croissance de leur cours de bourse pour procéder à des acquisitions et faire de la croissance externe. Il ne faut pas l'oublier ... Sauf erreur de ma part, je n'ai jamais lu d'article sur Decideo qui se plaignait de la "sur-valorisation" des SSII, pourtant la même logique financière était à l'oeuvre (actualisation de cash-flows futurs).
Que s'est-il passé pour que le même modèle financier produise des résultats si différents ? On peut rapidement résumer cela en deux facteurs : une augmentation de la prime de risque de ces sociétés (une volatilité accrue de leurs résultats et une augmentation de l'écart entre le prévisionnel et le réalisé) et une diminution sensible des prévisions de résultats (on revoit à la baisse les promesses faites aux actionnaires). Comme tu le vois, la qualité des consultants n'est pas en cause. Il s'agit principalement d'un problème de demande, de marge et d'incertitude.
Lorsque l'on introduit son entreprise en bourse ou lorsque l'on achète une action, il faut connaître et accepter les règles.
Ces périodes sont durs à vivre pour les actionnaires autant que pour les salariés... et je ne parle pas des nuits difficiles des actionnaires salariés de ces entreprises (j'ai connu cela il y a quelques années).
La seule question qui vaille aujourd'hui est : Ces entreprises doivent-elles sortir de la côte pour éviter la pression actuelle des marchés et retrouver un peu de sérénité ? Sont-elles en mesure de trouver d'autres sources de financement ?

5.Posté par vincent le 25/10/2008 09:54
@Miichael
Bonjour,

N'est-ce pas justement là une des principales causes de la crise actuelle : une vision purement financière de la valeur d'une entreprise ?
Un exemple de corollaire à cette vision restreinte :
- une fidélisation des consultants nécessite une reconnaissance quantitative visible sur le bilan de la société. Le turn over qu'entraîne son absence n'est en effet pas financièrement (et à court terme) visible, elle.

Bref, je suis tout à fait d'accord avec l'approche de Renaud et suis généralement très remonté face à un discours purement financier s'affranchissant de la réalité de la vie de l'entreprise...

4.Posté par Michael ALBO le 24/10/2008 21:33
@ Renaud,

Concernant le point 2, je ne suis, pour ma part, pas d'accord avec cette vision des choses.
Du point de vue financier, la valeur d'une société n'est que la somme actualisée des cash-flows qu'elle est capable de dégager.
L'augmentation du Capital Humain, Image ou Clients n'a donc d'intérêt que si elle trouve une traduction en terme d'augmentation des cash-flows (qui augmentera mécaniquement la valorisation). Il s'agit bien évidemment d'une vision d'investisseur mais n'est-ce pas là le coeur du sujet ?
Le Capital Immatériel n'a qu'une valeur ... potentielle qui doit à terme se retrouver dans les comptes afin d'être mesuré financièrement. Une bonne stratégie ou une politique RH incitative ne s'inscrivent pas à l'actif d'un bilan mais doivent se lire au niveau du compte de résultat.

3.Posté par Philippe Nieuwbourg le 24/10/2008 16:30
@ Renaud

Tu as raison à 100% sur les deux points que tu évoques.

Concernant le second, il faudrait imaginer des indicateurs, à la fois standardisés et soumis à vérification, un peu comme les indicateurs financiers contrôlés par la COB et les commissaires aux comptes.
Sans indicateur reconnu par la communauté financière, chacun s'amusera à inventer l'indicateur qui le sert mieux que le concurrent.
As-tu des idées sur comment pourraient être définis, contrôlés et mis en avant ces indicateurs ?

2.Posté par Renaud le 24/10/2008 16:15
L'article "Que valent les SSII du décisionnel ?" soulève plusieurs questions :
1) La non reconnaissance en France du réel coût du Service, il est en effet attristant de voir que la France est un des rares pays développés où les entreprises ne veulent toujours pas payer le coût réel d'un service et pas seulement informatique!
A prestation égale le coût du service est de 40 à 60% plus cher en Angleterre et de 20 à 35% de plus dans les pays Nordiques.

Nous devons être le seul pays Européen ou les Directions des Achats des Grands Groupes se livrent régulièrement au petit jeu malsain du référencement avec enchères inversées ! A ce jeu là les SSII comme les clients ne peuvent que perdent.

2) Il serait temps de comprendre que la valorisation d'une société et qui plus est d'une société de service ne se résume pas au seul ratio résultat net/chiffre d'affaires mais de regarder plutôt du coté des actifs constituant son Capital Immatériel, à savoir :
son Capital Humain (qualité de ses consultants, niveau de formation, nombre de personnes certifiées, niveau d'expertise métier comme technique, turn over..)
son Capital Structuré (sa stratégie, la qualité de sa Gouvernance, ses process interne, ses standards de qualité...)
son Capital Image (sa notoriété, son positionnement, sa réputation, sa pertinence dans la création de contenu, ses RP,...)
et enfin son Capital Clients, le nerf de la guerre (la qualité de ses relations avec ses clients, leur satisfaction, leur fidélité, le niveau des prestations fournies,....)

A quand les Analystes qui connaitront en profondeur les sociétés dont ils parlent et qui valoriseront leurs vrais actifs!

1.Posté par David C le 24/10/2008 11:55

Triste constat pour ceux qui ont investi en surfant sur la vague internet, meme si les grans intégrateurs sont eu aussi secoués en bourse.
A mon sens, l'intégration croissante des systèmes, et leur niveau d'interaction de plus en plus élevé (avec notamment le besoin de pouvoir retourner du tableau de bord vers le système opérationnel), ainsi que les rachats qui sont intervenus l'an dernier (SAP-BO, Hyperion-Oracle, Cognos-IBM...) permettent aux fournisseurs de services multidomaines d'afficher un discours plus audible aux yeux des décideurs. Le décisionnel devient de plus en plus un élément du flux de traitement de l'information, et, à moins de se positionner sur la définition d'indicateurs ou du conseil à haut niveau, je crains que les acteurs ne doivent élargir leur spectre de compétences pour sortir de leur pré carré, et facturer à nouveau des services à forte valeur ajoutée à des TJM attractifs.
Cela nécessitera des investissements en formation, et des prises de risques peut etre difficilement compatibles avec le climat économique en cours, mais c'est à ce prix que les investisseurs pourront s'intéresser à des sociétés qui sont actuellement cantonnées à une spirale de faible valorisation qui les éloignent de bailleurs de fonds potentiels et ne permettent pas d'attirer les profils qu'elles recherchent.

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