Il n’y a pas que dans le secteur bancaire qu’il y a des fraudeurs, la fraude représente une charge non négligeable dans le secteur public où son évaluation est passée en quelques années de centaines de millions pour aujourd’hui être chiffrée en milliards. Même si les travaux d’estimation sont imprécis, en France sont annoncées des fraudes annuelles entre 29,1 & 40,2 milliards pour les prélèvements sociaux, et entre 7 &14 milliards pour les prestations sociales. Il n'y a aucun doute sur le fait que les enjeux sont énormes, mais il n'y a aussi également aucun doute que la situation peut s’améliorer rapidement grâce aux technologies qui permettent le partage des informations et l'analyse de données.
Depuis quelques temps les organisations publiques essaient de suivre la fraude et, plus important encore, d’estimer les potentiels de fraude pour les prévenir. Les organismes du secteur public cherchent à mieux comprendre les pratiques abusives ou frauduleuses et mieux les prévenir (absences ou fausses déclarations de revenus, de TVA, travail au noir, fausses déclarations d’accidents du travail, arrêt de travail bidon, maquillage d’actes médicaux de convenance, etc.). Tout ceci se faisant fréquemment entre acteurs complices (employeur/employé, médecin/patient, etc.) voir en réseau organisé ou par un individu isolé sous son nom (carte vitale servant à la famille très élargie) ou en usurpant une ou plusieurs identités (A noter par exemple que l’on estime à 10 millions le nombre de cartes vitales surnuméraires). Les fraudeurs se professionnalisent et il faut pouvoir contrer aussi bien de grosses attaques ponctuelles que de nombreuses transactions de petit montant perdues dans la masse et difficilement repérables.
Pour traquer les fraudes il convient de disposer d’une infrastructure d’analyse adéquate, c'est-à-dire en particulier fondée sur un accès facile et directe à des données détaillées de qualité. Malheureusement les entrepôts de données aujourd’hui disponibles dans la plupart des organisations publiques françaises n’ont pas été conçus pour le support à l’analyse des fraudes, ni par les données retenues, ni par leur niveau de granularité, ni par leur fréquence de mise à jour, ni par leur organisation le plus souvent en gisements cloisonnés par fonction. Ces systèmes ont été conçus pour faire du reporting sur l’activité des services et sont fondés sur des approches trop synthétiques, à partir de données trop agrégées, analysées selon des schémas prédéfinis qui ne permettent pas de débusquer la créativité des fraudeurs. En matière de fraude il est indispensable de disposer d’une solide base d’informations détaillées qui en aucun cas ne contraint l’analyste, au contraire elle doit lui permettre de s’exprimer librement et d’enrichir progressivement sa façon de poser son problème. Les idées créatrices naissent d’une interpellation des faits, et l’analyste a besoin de vérifier ses intuitions et extrapolations par des retours aux faits.
Au niveau des analyses, elles peuvent être basiques ou élaborées, statiques ou dynamiques. Une analyse basique cherche à repérer les écarts, par rapport à un standard de montant, de fréquence ou d’une autre dimension de l’événement. Une analyse plus élaborée peut être guidée par un référentiel de cas de fraude qui a permis de mettre en lumière des batteries de critères d’anticipation ou être non guidée et utiliser des techniques avancées de fouille de données. Les analyses statiques identifient après coup des suspects ou des activités suspectes, alors que les analyses dynamiques sont menées pendant l’acte de fraude et suppose de pouvoir accéder à des services d’aide à la décision dans le cadre de processus opérationnels (couplage des systèmes opérationnels et décisionnels dans le cadre d’un entrepôt de données actif).
De nombreuses organisations privées ou publiques dans différents pays ont mis en œuvre des programmes de lutte contre la fraude, c’est le cas du Département Santé de l'État de New York qui gère le plus grand programme d’aide médicale des États-Unis, et traite annuellement plus de 300 millions de prises en charge émanant de 3,7 millions de personnes, avec un budget de 41 milliards de dollars. Dans ce contexte un pour cent de fraude supprimé, représente un enjeu 400 millions de dollars. La solution ? Un entrepôt de données d'entreprise baptisé eMedNY conçu pour consolider des centaines de millions d'enregistrements disparates dans un référentiel unique, accessible et utilisable par plus de 650 membres du personnel dans 10 bureaux et organismes d'État, un organisme fédéral et 17 comtés. D’autres comtés sont en cours d’introduction dans le programme eMedNY, et le nombre d'utilisateurs va dépasser les 1100 personnes.
L’entrepôt de données gère un historique de cinq ans qui représente 1,4 milliards de prises en charge, et permet au Département de la Santé de comprendre les besoins actuels et de prévoir les besoins futurs. Les moyens à la disposition des utilisateurs comprennent des outils d'interrogation qui permettent d'interroger directement les données, des solutions analytiques classiques pour repérer les tendances et effectuer des prévisions de résultats, une bibliothèque de 180 rapports pour appréhender différents sujets selon différents angles, des outils avancés de fouilles de données pour supporter des études pointues d’aide à la décision en matière de prévision ou de détection de fraude.
Les résultats ? Dans sa première année de fonctionnement, eMedNY a traité plus de 150 000 requêtes qui ont permis de :
réaliser plus de 16 millions de dollars d’économies grâce à l'identification de 3800 demandes de prise en charge individuelle indues,
recouvrer en moins de six mois 5 millions de dollars dus à des doubles paiements,
récupérer 1 million de dollars dus à des erreurs dans des factures de cliniques,
réaliser 63 millions d’économies du fait d’une application rigoureuse des réglementations,
abaisser de 30 millions de dollars le coût du remboursement de l'hormone de croissance Serostim en mettant en œuvre une procédure d’accord préalable,
augmenter l'efficacité de l'allocation des ressources des services d’aide aux alcooliques ou drogués, en identifiant les 12% des personnes qui représentaient 52% des coûts et en organisant un programme spécifique à leur intention,
mieux organiser les soins en identifiant des chevauchements entre les soins à domicile et à l'hôpital,
renforcer les possibilités de vérification et de contrôle dans les procédures d’acceptation des prises en charge,
construire un modèle prédictif afin de profiler ceux qui sont les plus susceptibles de commettre une fraude ou un abus.
Pour aller plus loin vous pouvez lire l’article suivant : cliquez ici
Rédigé par Michel Bruley le Lundi 5 Novembre 2012 à 08:10
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