Episode 1 : quelques chiffres
C’est au milieu de la nuit en Californie, vers 4h du matin, que les équipes Tableau et Salesforce ont appuyé sur le bouton commandant l’envoi des emails, tweets et autres messages qui allaient officialiser leur rapprochement. Quelques lignes qui ont surpris beaucoup de leurs destinataires, tant par la nature du rachat, que par son montant de 15,7 milliards de dollars. Cette valorisation est excellente pour les actionnaires de Tableau, en hausse de 45 % par rapport au dernier cours de bourse, qui capitalisait l’entreprise environ 10,8 milliards de dollars.
Rappelons qu’en octobre 2007, le rachat de Business Objects par SAP, pour un peu moins de 7 milliards de dollars avait été alors perçu comme une acquisition énorme.
« Il n'est vraiment pas dans l'ADN de Tableau d'acheter, ni de fusionner ou de se faire racheter », explique Bruno Saint-Cast, ancien dirigeant de Salesforce France et de Tableau France, lui-même surpris par l’opération. Chez Salesforce, certains sont étonnés, persuadés que l’offre décisionnelle de Salesforce se suffisait. « On est très bons (en décisionnel). En interne, (cette acquisition) va être très dure à justifier », nous explique-t-on chez Salesforce. Et pour financer tout cela, Salesforce ne mettra pas la main à la poche, l’intégralité de l’opération se fera sous forme d’échange d’actions. Christian Chabot, Patrick Hanrahan et Christopher Stolte, les trois fondateurs de Tableau, ont indiqué avoir déjà accepté l’opération et y apporter l’ensemble de leurs titres. Salesforce espère pouvoir boucler l’ensemble de l’opération pour le 1er octobre 2019, dans moins de quatre mois. « Nous réunissons le n°1 mondial du CRM, et la plateforme analytique n°1. Tableau aide les entreprises à voir et à comprendre les données, et Salesforce aide les entreprises à s'engager et à comprendre leurs clients. C'est vraiment le meilleur des deux mondes pour l’ensemble de nos clients », explique Marc Benioff, CEO et fondateur de Salesforce.
Rappelons qu’en octobre 2007, le rachat de Business Objects par SAP, pour un peu moins de 7 milliards de dollars avait été alors perçu comme une acquisition énorme.
« Il n'est vraiment pas dans l'ADN de Tableau d'acheter, ni de fusionner ou de se faire racheter », explique Bruno Saint-Cast, ancien dirigeant de Salesforce France et de Tableau France, lui-même surpris par l’opération. Chez Salesforce, certains sont étonnés, persuadés que l’offre décisionnelle de Salesforce se suffisait. « On est très bons (en décisionnel). En interne, (cette acquisition) va être très dure à justifier », nous explique-t-on chez Salesforce. Et pour financer tout cela, Salesforce ne mettra pas la main à la poche, l’intégralité de l’opération se fera sous forme d’échange d’actions. Christian Chabot, Patrick Hanrahan et Christopher Stolte, les trois fondateurs de Tableau, ont indiqué avoir déjà accepté l’opération et y apporter l’ensemble de leurs titres. Salesforce espère pouvoir boucler l’ensemble de l’opération pour le 1er octobre 2019, dans moins de quatre mois. « Nous réunissons le n°1 mondial du CRM, et la plateforme analytique n°1. Tableau aide les entreprises à voir et à comprendre les données, et Salesforce aide les entreprises à s'engager et à comprendre leurs clients. C'est vraiment le meilleur des deux mondes pour l’ensemble de nos clients », explique Marc Benioff, CEO et fondateur de Salesforce.
Episode 2 : rassurer les équipes
Les deux entreprises l’ont souligné dès les premières lignes de leurs communications respectives, Tableau restera une entité indépendante. « À la fin de l’opération, Tableau fonctionnera de façon indépendante sous la marque Tableau et continuera d'être dirigée par le PDG Adam Selipsky et l'équipe de direction actuelle », précise Kate Mauser, responsable des relations analystes chez Tableau. Pour l’acquéreur comme pour l’acquis, le plus gros risque d’une opération de cette ampleur est en effet la fuite des cerveaux, ceux des employés, et ceux des clients. Il est fondamental de les rassurer. Car des deux côtés, des doutes peuvent s’installer. Créée il y a vingt ans, Salesforce emploie environ 35 000 personnes. Créée il y a quinze ans, Tableau emploie de son côté « seulement » 4 000 personnes, qui peuvent craindre d’être absorbés dans une machine beaucoup plus importante et moins agile… même si ces cinq dernières années, Tableau avait déjà perdu beaucoup de son agilité, de par sa croissance et sa structuration.
Mais chez Salesforce il faut aussi rassurer. Plusieurs centaines de personnes au moins travaillent en effet sur la gamme Analytics Cloud, sa solution interne de Business Intelligence. Or les deux produits seront forcément en partie concurrents. Les équipes dirigeantes devront définir clairement la position de chacune des solutions dans l’offre, les responsabilités commerciales et les prix de vente.
L’enjeu principal est donc l’intégration, qui peut être douloureuse, comme l’a montré il y a dix ans l’intégration de Business Objects par SAP. « Je reste circonspect sur les cultures d'entreprises qui, malgré les apparences sont assez différentes, surtout au niveau managérial », explique Bruno Saint-Cast, qui connait bien les deux cultures pour avoir dirigé des filiales des deux entreprises.
En ce qui concerne l’indépendance laissée à Tableau, « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent » disait Charles Pasqua, un homme politique français ami de Jacques Chirac. La même promesse d’indépendance avait été faite à Cognos au moment de son rachat par IBM, et à Business Objects au moment de son rachat par SAP. Elles ont toutes les deux tenu quelques mois…
Mais chez Salesforce il faut aussi rassurer. Plusieurs centaines de personnes au moins travaillent en effet sur la gamme Analytics Cloud, sa solution interne de Business Intelligence. Or les deux produits seront forcément en partie concurrents. Les équipes dirigeantes devront définir clairement la position de chacune des solutions dans l’offre, les responsabilités commerciales et les prix de vente.
L’enjeu principal est donc l’intégration, qui peut être douloureuse, comme l’a montré il y a dix ans l’intégration de Business Objects par SAP. « Je reste circonspect sur les cultures d'entreprises qui, malgré les apparences sont assez différentes, surtout au niveau managérial », explique Bruno Saint-Cast, qui connait bien les deux cultures pour avoir dirigé des filiales des deux entreprises.
En ce qui concerne l’indépendance laissée à Tableau, « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent » disait Charles Pasqua, un homme politique français ami de Jacques Chirac. La même promesse d’indépendance avait été faite à Cognos au moment de son rachat par IBM, et à Business Objects au moment de son rachat par SAP. Elles ont toutes les deux tenu quelques mois…
Episode 3 : faire converger les solutions techniques
Clairement, du point de vue de Salesforce, cette acquisition est un excellent choix. Malgré son offre Analytics Cloud, et ses quelques acquisitions dans le domaine, il semble que seuls les fans de Salesforce et ses employés, aient vue dans l’offre décisionnelle et Big Data de Salesforce, la pépite dont ils parlent… Les débuts de l’offre, il y a environ trois ans ont été laborieux. « Nous nous sommes beaucoup rapprochés des fonctionnalités d’un Tableau en deux ans, et avec des fondations beaucoup plus solides et saines », explique-t-on chez Salesforce. Peut-être… mais apparemment, seuls les clients Salesforce en ont conscience, car la solution en tant que telle n’est jamais évoquée dans les choix stratégiques de grandes entreprises en matière de solution analytique transverse. L’offre décisionnelle de Salesforce est sans doute excellente pour les clients Salesforce, mais elle n’est absolument pas généraliste. Pour Bruno Saint-Cast, « La convergence CRM – Data Visualization était une évidence et une nécessité, et le poids respectif des acteurs conduisait naturellement à ce que ce soit le CRM qui croque le Big Data. Or Salesforce n'avait pas été très inspiré, jusque-là, dans ses incursions vers le Big Data. Il y a une vraie convergence entre les philosophies Salesforce et Tableau, notamment dans la simplicité d'utilisation, de mise en œuvre et de déploiement. Et une grande convergence également dans les méthodes de commercialisation ».
La complémentarité technique est évidente. Elle est à la fois un atout et un caillou dans la chaussure du nouvel ensemble. Tableau n’a pas la culture « cloud computing ». Même si depuis deux ans, l’éditeur tente de s’y lancer, Tableau est excellent dans ses produits traditionnels, fonctionnant à la perfection sur PC et sur Mac. C’est ce qui a fait son succès, et son adoption très rapide par des utilisateurs dans tous les domaines fonctionnels de l’entreprise, marketing, ventes, communication, finance, logistique, etc.
L’infonuagique est en revanche l’ADN de Salesforce, qui a signé ses débuts de son mythique slogan et logo « No Software ». Comment les deux approches et les deux cultures de développement vont-elles se combiner ? Ce sera une des tâches de François Ajenstat, Chief Product Officer chez Tableau, et de ses homologues chez Salesforce de faire évoluer les pratiques de développement. Mais la question reste posée pour l’instant : garder des produits « software » installés sur le poste de l’utilisateur, ou migrer l’ensemble vers le cloud « no software » au risque de perdre de l’agilité dans les usages ?
« Les données sont à la base de toute transformation digitale, et l'ajout de Tableau à notre offre accélérera notre capacité à assurer le succès de nos clients en permettant une vue réellement unifiée et puissante de toutes les données d'un client », explique Keith Block, co-CEO de Salesforce.
Chez Salesforce, on reconnait quelques faiblesses, en matière d’interface utilisateur, de restitution cartographique, dans les connecteurs vers des systèmes non-cloud, dans le temps réel, etc. « Tableau couvre tout cela à la perfection, surtout si cela fonctionne connecté avec notre base de données. Et Tableau a eu beaucoup de mal à avoir une offre cloud qui tienne la route, donc la synergie est évidente », explique un connaisseur des deux offres.
En ce qui concerne l’intelligence augmentée, la collaboration pourrait être efficace et intéressante. Et c’est une brique qui manque un peu dans l’offre Salesforce-Tableau, explique Bruno Saint-Cast. L’offre d’intelligence artificielle de Salesforce, Einstein, lancée en 2016, pourrait tirer profit des capacités d’analyse et de présentation des données de Tableau.
La complémentarité technique est évidente. Elle est à la fois un atout et un caillou dans la chaussure du nouvel ensemble. Tableau n’a pas la culture « cloud computing ». Même si depuis deux ans, l’éditeur tente de s’y lancer, Tableau est excellent dans ses produits traditionnels, fonctionnant à la perfection sur PC et sur Mac. C’est ce qui a fait son succès, et son adoption très rapide par des utilisateurs dans tous les domaines fonctionnels de l’entreprise, marketing, ventes, communication, finance, logistique, etc.
L’infonuagique est en revanche l’ADN de Salesforce, qui a signé ses débuts de son mythique slogan et logo « No Software ». Comment les deux approches et les deux cultures de développement vont-elles se combiner ? Ce sera une des tâches de François Ajenstat, Chief Product Officer chez Tableau, et de ses homologues chez Salesforce de faire évoluer les pratiques de développement. Mais la question reste posée pour l’instant : garder des produits « software » installés sur le poste de l’utilisateur, ou migrer l’ensemble vers le cloud « no software » au risque de perdre de l’agilité dans les usages ?
« Les données sont à la base de toute transformation digitale, et l'ajout de Tableau à notre offre accélérera notre capacité à assurer le succès de nos clients en permettant une vue réellement unifiée et puissante de toutes les données d'un client », explique Keith Block, co-CEO de Salesforce.
Chez Salesforce, on reconnait quelques faiblesses, en matière d’interface utilisateur, de restitution cartographique, dans les connecteurs vers des systèmes non-cloud, dans le temps réel, etc. « Tableau couvre tout cela à la perfection, surtout si cela fonctionne connecté avec notre base de données. Et Tableau a eu beaucoup de mal à avoir une offre cloud qui tienne la route, donc la synergie est évidente », explique un connaisseur des deux offres.
En ce qui concerne l’intelligence augmentée, la collaboration pourrait être efficace et intéressante. Et c’est une brique qui manque un peu dans l’offre Salesforce-Tableau, explique Bruno Saint-Cast. L’offre d’intelligence artificielle de Salesforce, Einstein, lancée en 2016, pourrait tirer profit des capacités d’analyse et de présentation des données de Tableau.
Episode 4 : Tout le marché bouge et ce n’est pas fini
Le rachat de Tableau par Salesforce intervient quelques jours après celui de Looker par Google, et le jour de celui, du coup totalement éclipsé, de Zoomdata par Logi Analytics. Et ce n’est sans doute pas fini… beaucoup parient sur un changement de main de Qlik, même si la valeur d’un éventuel rachat devrait être très largement inférieure à celle de Tableau.
En 2008, après les rachats de Hyperion, Business Objects et Cognos, c’est cette nouvelle vague de l’informatique en libre-service qui avait vu le jour, avec le développement de Qlik, Tableau ou encore Spotfire. D’ici quelques années, peut-être verrons-nous une nouvelle génération d’outils se développer, ceux de la Business Intelligence de demain. Ils seront nativement conversationnels, dotés d’une forme d’intelligence augmentée pour faciliter l’analyse, et forcément prédictifs.
En 2008, après les rachats de Hyperion, Business Objects et Cognos, c’est cette nouvelle vague de l’informatique en libre-service qui avait vu le jour, avec le développement de Qlik, Tableau ou encore Spotfire. D’ici quelques années, peut-être verrons-nous une nouvelle génération d’outils se développer, ceux de la Business Intelligence de demain. Ils seront nativement conversationnels, dotés d’une forme d’intelligence augmentée pour faciliter l’analyse, et forcément prédictifs.
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