Vers une surveillance généralisée
Ludovic Broyer, fondateur d’iProtego
Les moyens de surveillance dont dispose le gouvernement lui permet de contrôler la population à diverses échelles. Tout d’abord, le fichier TES (Titres Électroniques Sécurisés) réunit les données personnelles et biométriques de la population française sur la base des informations contenues dans un passeport ou une carte d’identité nationale : nom, prénom, sexe, couleur des yeux, taille...
L’ampleur et la nature de ces informations sur un individu et sur sa filiation ont de quoi alarmer. D’autant que le fichier TES préfigure le système de reconnaissance faciale, en cours de déploiement par le gouvernement. Pour l’Etat, cet outil de surveillance simplifie le quotidien et offre à la police et aux services de renseignement une meilleure efficacité : repérer plus facilement les comportements suspects, mieux identifier les voleurs ou les criminels, etc. Mais cela signifie aussi contrôler en permanence l’identité et les déplacements de la population, sans lui demander son avis.
L’Etat dispose également d’un arsenal conséquent pour surveiller les particuliers sur Internet. Un article du projet de loi de finances 2020 pourrait aboutir à une surveillance massive des Français sur les réseaux sociaux et sur certaines plateformes en ligne (Facebook, Leboncoin, etc.). Cet article permettrait aux administrations fiscale et douanière d’exploiter les données rendues publiques sur l’ensemble de ces sites pour mieux détecter les fraudes.
Désormais, s’il croise les nombreuses données dont il dispose, l’Etat peut parvenir à des niveaux de ciblage très fins. Il peut suivre une position, des habitudes de consommation, des échanges entre plusieurs personnes et reconstituer toute l’existence d’un particulier à l’aide de ses empreintes numériques.
Risques de manipulation et d’erreurs
La société de contrôle vers laquelle nous sommes en train de basculer a de quoi inquiéter, notamment sur les dérives qu’elle comporte. Le premier risque associé à la surveillance généralisée est la manipulation de la population sur les réseaux sociaux. L’élection présidentielle américaine de 2016 l’a prouvé. En créant des communications, des tests de personnalité et en collectant les données personnelles de 50 millions d’utilisateurs de Facebook, les candidats sont parvenus à un meilleur profilage électoral. Mieux connaître les électeurs pour mieux les cibler, le principe rappelle l'application Knockin. Créée pour la campagne de Nicolas Sarkozy en vue de l'élection présidentielle française, son objectif était de localiser les sympathisants de droite et de les convaincre de voter pour l'ancien Président lors de la primaire de la droite. Cette application permettait de croiser les données collectées sur Facebook et Twitter afin de géolocaliser l'adresse des électeurs présentant des affinités avec le programme du candidat. Ensuite, les militants n’avaient plus qu’à démarcher ces électeurs en priorité.
Mais les dérives ne concernent pas uniquement le domaine de la politique. La reconnaissance faciale dans la vidéosurveillance peut, elle aussi, conduire à des abus. C’est le cas en Inde où le gouvernement utilise désormais cette technologie pour identifier des manifestants alors que son déploiement devait, à l’origine, servir à retrouver des enfants disparus. Sans compter les erreurs dans ce système, par exemple si l’algorithme se trompe dans l’identité d’une personne. A titre d’exemple, le système de reconnaissance faciale londonien présente un taux d’erreur de 81% (1) !
Reprendre le contrôle de ses données, un effort vain
La perte de contrôle de nos données personnelles menace nos libertés et pose la question suivante : “comment nous protéger face à cette surveillance généralisée ?”. Malheureusement, pour le moment, il n’existe aucune solution car le le RGPD ne concerne pas les fichiers d’Etat. Le gouvernement n’a donc aucune obligation d’informer un citoyen en cas de collecte de ses données personnelles et un particulier n’est pas en mesure d’accéder à ces données. Les individus qui ont fait le test en s’adressant au Ministère de l’Intérieur se sont vus redirigés vers la CNIL, pas plus compétente pour répondre à leur demande.
Si ce basculement vers un Etat de contrôle ne se fera pas du jour au lendemain, peu à peu, les citoyens modifieront leur comportement et leurs opinions, car la surveillance généralisée a forcément un impact sur la manière d’agir et de s’exprimer. Le risque est alors de basculer vers un autoritarisme technologique, menaçant nos libertés individuelles.
(1-) étude menée par des chercheurs de l’Université d’Essex, 2019
L’ampleur et la nature de ces informations sur un individu et sur sa filiation ont de quoi alarmer. D’autant que le fichier TES préfigure le système de reconnaissance faciale, en cours de déploiement par le gouvernement. Pour l’Etat, cet outil de surveillance simplifie le quotidien et offre à la police et aux services de renseignement une meilleure efficacité : repérer plus facilement les comportements suspects, mieux identifier les voleurs ou les criminels, etc. Mais cela signifie aussi contrôler en permanence l’identité et les déplacements de la population, sans lui demander son avis.
L’Etat dispose également d’un arsenal conséquent pour surveiller les particuliers sur Internet. Un article du projet de loi de finances 2020 pourrait aboutir à une surveillance massive des Français sur les réseaux sociaux et sur certaines plateformes en ligne (Facebook, Leboncoin, etc.). Cet article permettrait aux administrations fiscale et douanière d’exploiter les données rendues publiques sur l’ensemble de ces sites pour mieux détecter les fraudes.
Désormais, s’il croise les nombreuses données dont il dispose, l’Etat peut parvenir à des niveaux de ciblage très fins. Il peut suivre une position, des habitudes de consommation, des échanges entre plusieurs personnes et reconstituer toute l’existence d’un particulier à l’aide de ses empreintes numériques.
Risques de manipulation et d’erreurs
La société de contrôle vers laquelle nous sommes en train de basculer a de quoi inquiéter, notamment sur les dérives qu’elle comporte. Le premier risque associé à la surveillance généralisée est la manipulation de la population sur les réseaux sociaux. L’élection présidentielle américaine de 2016 l’a prouvé. En créant des communications, des tests de personnalité et en collectant les données personnelles de 50 millions d’utilisateurs de Facebook, les candidats sont parvenus à un meilleur profilage électoral. Mieux connaître les électeurs pour mieux les cibler, le principe rappelle l'application Knockin. Créée pour la campagne de Nicolas Sarkozy en vue de l'élection présidentielle française, son objectif était de localiser les sympathisants de droite et de les convaincre de voter pour l'ancien Président lors de la primaire de la droite. Cette application permettait de croiser les données collectées sur Facebook et Twitter afin de géolocaliser l'adresse des électeurs présentant des affinités avec le programme du candidat. Ensuite, les militants n’avaient plus qu’à démarcher ces électeurs en priorité.
Mais les dérives ne concernent pas uniquement le domaine de la politique. La reconnaissance faciale dans la vidéosurveillance peut, elle aussi, conduire à des abus. C’est le cas en Inde où le gouvernement utilise désormais cette technologie pour identifier des manifestants alors que son déploiement devait, à l’origine, servir à retrouver des enfants disparus. Sans compter les erreurs dans ce système, par exemple si l’algorithme se trompe dans l’identité d’une personne. A titre d’exemple, le système de reconnaissance faciale londonien présente un taux d’erreur de 81% (1) !
Reprendre le contrôle de ses données, un effort vain
La perte de contrôle de nos données personnelles menace nos libertés et pose la question suivante : “comment nous protéger face à cette surveillance généralisée ?”. Malheureusement, pour le moment, il n’existe aucune solution car le le RGPD ne concerne pas les fichiers d’Etat. Le gouvernement n’a donc aucune obligation d’informer un citoyen en cas de collecte de ses données personnelles et un particulier n’est pas en mesure d’accéder à ces données. Les individus qui ont fait le test en s’adressant au Ministère de l’Intérieur se sont vus redirigés vers la CNIL, pas plus compétente pour répondre à leur demande.
Si ce basculement vers un Etat de contrôle ne se fera pas du jour au lendemain, peu à peu, les citoyens modifieront leur comportement et leurs opinions, car la surveillance généralisée a forcément un impact sur la manière d’agir et de s’exprimer. Le risque est alors de basculer vers un autoritarisme technologique, menaçant nos libertés individuelles.
(1-) étude menée par des chercheurs de l’Université d’Essex, 2019