Actualités : analyse de données, Business Intelligence, Data Science, Big Data


Big Crunch dans l’univers de la BI


Rédigé par Michael ALBO, Directeur Financier le 19 Novembre 2007

Le Big Crunch s'apparente en cosmologie à une théorie de contraction de l'univers sous l'effet de la gravitation. Selon cette théorie, des trous noirs se forment et attirent peu à peu la matière environnante. A terme, les trous noirs s'attirent mutuellement et accélère l'effondrement de l'univers. Je ne peux m'empêcher de dresser un parallèle entre la théorie du Big Crunch et la situation actuelle du marché de la Business Intelligence. Après 20 années d’expansion et de croissance, l’univers du décisionnel s’est brusquement contracté du fait d’une succession d’opérations majeures de croissance externe. Dans cet univers (impitoyable), les trous noirs massifs ont pour noms SAP, Oracle ou IBM et ils ont durablement redessiné les contours de ce marché.



Big Crunch dans l’univers de la BI
Dès le début de cette année, les cabinets d'analystes avaient prévenu de l'imminence du cataclysme. Si l'année 2006 avait initié le processus de concentration du secteur avec des rachats d'acteurs moyens (acquisition d'ALG Software par Business Objects, de Temtec par Applix, …), les analystes nous assuraient en début d'année que 2007 serait l'année de la consolidation du secteur. Les faits ont rejoint leurs prévisions et les annonces majeures de rachat se sont multipliées au fil des mois :

Acquéreur Cible Montant de la transaction
Mars Oracle Hyperion 3,3 milliards de dollars
Avril Business Objects Cartesis 225 millions d'euros
Mai SAP OutlookSoft non communiqué
Juillet IBM DataMirror 161 millions de dollars
Septembre Cognos Applix 339 millions de dollars
Octobre SAP Business Objects 4,8 milliards d'euros
Novembre IBM Cognos 4,9 milliards de dollars

Avec ce dernier rachat, c'est le premier tome de l'histoire du secteur du décisionnel qui se clôture avec la disparition des acteurs historiques (Hyperion, Cognos, Business Objects, …). Les pionniers du décisionnel ont cédé la place aux généralistes et le prochain tome de l'histoire du décisionnel s'écrira certainement avec un style bien différent.

Pour saisir la dynamique des évènements récents, un petit retour en arrière s'impose. Nous avons assisté en quelques années à un double phénomène de démocratisation et de banalisation de la BI avec l'entrée sur ce marché d'acteurs (Microsoft, Open Source, …) à l'origine d'une déflation sans précédent du prix des licences et d'une augmentation de l'intensité concurrentielle. Pénétrant le marché par le biais de l'infrastructure et des outils (bases de données, OLAP, ETL, outils de reporting, …), ces nouveaux entrants ont diminué le ticket d'entrée des projets et ont obligé les éditeurs historiques à aller rechercher leurs marges du côté des applications financières et des solutions métiers. Porté par l'homogénéisation des méthodes de management au sein des grands groupes (mise en œuvre de systèmes de planification et de contrôle, diffusion de tableaux de bord et autres scorecards, …), les éditeurs BI ont largement été encouragés dans cette voie par leurs clients. Accompagnant ce mouvement de migration de la valeur, les éditeurs historiques ont assemblé, souvent par rachat, leur plateforme de pilotage de la performance. En effectuant ce mouvement vers les applications, ils se sont trouvés confrontés à des éditeurs généralistes eux aussi avides de croissance et de parts de marché sur ce segment prometteur. Pour éviter une absorption rapide, les éditeurs BI ont dû accélérer leur course à la taille en rachetant leurs concurrents plus petits mais, du fait de la surface financière des éditeurs généralistes, il était clair que la confrontation finale ne pouvaient tourner qu'à l'avantage des derniers d'où les rapprochements de ces derniers mois.
Maintenant que les poids lourds ont « fait leur marché », les dernières cibles d'importance (SAS, Information Builders, Teradata et Microstrategy) voient leur taille relative fortement amoindrie sur un marché dominé par des mastodontes. On peut douter qu'elles résistent encore longtemps aux sirènes de la consolidation.

Pour les acteurs de l'écosystème décisionnel (fournisseurs, salariés, intégrateurs, clients), les impacts de cette concentration sont considérables et déplacent les lignes de force du secteur.
Pour les fournisseurs (organisateurs d'évènements, société d'emailing, médias, …), la BI est un secteur en voie de disparition où chaque rachat équivaut à la perte d'un budget. Du fait de la concentration accélérée du secteur, sera t'il encore possible d'organiser un salon professionnel dédié aux solutions décisionnelles ? En deux ans, les allées des salons se sont dépeuplées et de nombreux stands ont disparu du fait des rachats. Seuls les intégrateurs peuvent encore fournir le gros du bataillon des exposants mais, leurs marges, bien inférieures à celles des éditeurs, laissent entrevoir une inévitable pression sur les prix. De même, les médias et les sites spécialisés, à l'image de Decideo et DAF.info, voient diminuer leurs sources potentielles de revenus à mesure que les annonceurs disparaissent. Verra-t'on prochainement ces sites fusionner à l'image des acteurs du secteur ?
Côté emploi, les opportunités de carrières au sein des éditeurs BI risquent de se faire rares et les offres d'emploi s'amenuisent au gré de la disparition des acteurs. Il y a fort à parier que la contraction du secteur se traduira par une contraction de la masse salariale. Entre un consultant avant-vente consolidation Cartesis (racheté par BO) et un consultant avant-vente consolidation OutlookSoft (racheté par SAP), lequel des deux conservera son poste alors qu'ils travaillent maintenant au sein du même groupe et adressent les mêmes clients ? Ce type de question se pose avec autant d'acuité pour les équipes administratives, marketing ou commerciales des éditeurs.
Pour leur part, les intégrateurs peuvent se frotter les mains à l'idée de voir revenir simultanément sur le marché autant de ressources de qualité, phénomène qui contribue à calmer les ardeurs salariales des candidats à l'embauche. Ces mêmes intégrateurs, qui hier s'affrontaient à coup d'offres différenciées, se retrouvent, au fil des rachats de leurs éditeurs partenaires, condamnés à commercialiser les mêmes offres logicielles et seront amenés à fusionner à leur tour leurs équipes de consultants et d'ingénieurs.
Pour les clients, la situation est plus mitigée car, au-delà de la crainte initiale d'une discontinuité du support de certaines gammes de produits, ils vont saisir l'opportunité de regrouper leurs budgets d'investissements au profit des éditeurs leaders afin de négocier une baisse globale du prix des licences et du support.

Ce panorama dresse le portrait d'un marché du décisionnel devenu en quelques mois un oligopole caractéristique des marchés parvenus à maturité. Loin des taux de croissance à deux chiffres des années passées, ce marché apprend à mesurer sa croissance avec des décimales après la virgule et anticipe la poursuite du ralentissement de la croissance des ventes de licences. Le processus de concentration risque toutefois de se ralentir temporairement du fait d'une pénurie de cash. Ayant démarré l'année avec une trésorerie abondante, les bilans des prédateurs vont principalement refléter en cette fin d'année les charges de restructuration consécutives à ces rachats. Au cours des mois à venir, une grande partie de leur énergie sera dirigée vers la digestion de leurs proies et la consolidation de leur offre commerciale. Une fois cette digestion effectuée, on peut se demander si la bataille pour le leadership du secteur reprendra sous la forme d'une concurrence féroce ou si les acteurs de la consolidation vont s'entendre de manière plus ou moins formelle en vue de préserver leurs marges et de rentabiliser leurs coûteuses acquisitions. Voilà de quoi cogiter en attendant les fêtes de fin d'année …




Commentaires

1.Posté par David C le 20/11/2007 12:07
Ce que l'on peut suivre dans les prochains mois sera la position des petits éditeurs encore indépendants, qui ont parfois des activités annexes au décisionnel en amont comme Informatica, ou en aval comme KXEN.
Ils peuvent soit rester des acteurs de niche, ou tenter de se fédérer pour créer un groupe spécialiste du décisionnel, en axant leur communication sur cette spécialité, face aux éditeurs généralistes.
Coté consultants, les mouvements ctuels peuvent amener une demande en architecture de la part des clients qui vont vouloir rationaliser leurs paysages applicatifs. Cela peut aussi etre la revanche des consultants seniors, qui subissaient la baisse du TJM et la concurrence de leurs jeunes collègues moins expérimentés.
Ce qui est sur, c'est que la rentrée sera riche en évenements. Decideo devrait nous aider à passer ce cap...

2.Posté par Sylvain le 29/11/2007 00:16
Non seulement cette année 2007 a été synonyme de rachats et de concentrations dans le monde des solutions commerciales, mais également d'une montée en puissance remarquable des alternatives Open Source dans ce domaine.

Chez Atol Conseils & Développements, la société qui m'emploie, nous suivons depuis 2 ans les évolutions des projets Open Source BI, notamment Pentaho.
Nous avons constaté des avancées considérables (surtout cette année), avec la sortie récente de la version 1.6 de Pentaho qui est désormais susceptible d'être déployée efficacement dans le cadre de projets de BI (reporting, dashboard, OLAP).

Le pragmatisme de cette plate-forme décisionnelle (évolutivité, facilité d'intégration dans un SI, respect des standards...) me laisse à penser que de plus en plus de sociétés (PME-PMI, collectivités territoriales, grands comptes...) vont s'intéresser à ce type de solutions.

Bien sûr d'autres projets Open Source BI sont également très actifs: Talend, Kettle (ETL), JasperSoft. Ces projets amènent de l'eau au moulin, et permettent ainsi de proposer une réelle alternative aux solutions propriétaires, qui par définition sont très centrées sur elles-mêmes, sans parler des problématiques financières.

J'attends donc avec impatience de voir comment vont évoluer les choses en 2008, en me disant que passer à un modèle Open Source, c'est surement aussi être plus transparent avec nos clients et nos partenaires, en ayant une relation "gagnant-gagnant" ;-)

3.Posté par Stefan le 30/11/2007 00:40
Effectivement , l'open source pousse pas mal ces jours-ci et je vois un nombre de projets imprésionnant sur ces technos, car certains outils open source ont réussi à monter en puissance suffisament pour concurrencer des outils traditionnels même sur des projets grande échelle.

On assiste également à l'émérgence d'un nouveau business-model , drivé par Actuate et le consortium Eclipse depuis 2004 ( projet BIRT ) qui est parvenu à un maturité étonnante en peu de temps ( je connais des projets BIRT de 40 à 40000 utilisateurs ) , avec un mode dual open-source / commercial.

Ce modèle e effectivement été suivi par un nombre d'autres solutions comme Talend, Pentaho, Jasper , sans pour autant arriver à autant de notoriété et téléchargements que BIRT. La force de ces projets réside dans l'échange avec la communauté , créant une population de développeurs imprésionnante ( estimée à des centaines de milliers voir millions pour BIRT ) qui participent au développement des nouvelles fonctionnalités et constituent une ressource très précieuse pour les entreprises souhaitant opter pour ce type de solution.

L'avenir s'annoce prometteur



Twitter
Rss
LinkedIn
Facebook
Apple Podcast
App Store
Google Play Store