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Tout savoir sur le monde sans foi ni loi de la donnétisation


Rédigé par le 26 Décembre 2024

C’est à un réquisitoire sans concessions que se livre Maître Clarence Tocchio dans son nouveau livre intitulé « la donnétisation ou le vol de notre identité ». Pour l’avocate au Barreau de New York, la technologie est la source de tous nos problèmes de protection des données et de respect de notre vie privée. Elle oublie peut-être un peu facilement que nous achetons, utilisons et dirigeons la technologie. Sous prétexte de nouvelle technologie, l’Homme aurait perdu son libre arbitre et se soumettrait sans réfléchir à la technologie qu’il a lui-même créée !



L’auteur définit la donnétisation comme étant le « fait pour une personne ou entité, de monétiser des données, majoritairement personnelles, dans le but d’en tirer profit pour son propre intérêt ou celui d’un tiers ».

Dans son livre d’une centaine de pages, elle identifie et liste de manière exhaustive les risques que nous prenons au quotidien, en utilisant et surutilisant la technologie. Plus que jamais en matière d’applications en ligne, le principe markéting « si le produit est gratuit, c’est que tu es le produit » s’applique aux modèles économiques des grandes, et moins grandes, sociétés éditrices de logiciels en ligne. La combinaison du big data, de l’intelligence artificielle, de la statistique et de l’exhibitionnisme naturel de l’Humain, a créé un monde nouveau, dans lequel chacun produit de la donnée, sans la monétiser directement. Mais où dans lequel des sociétés collecte cette donnée, en échange d’un service gratuit, et cherchent à la monétiser, à la donnétiser, explique l’auteur.

Mais c’est un peu facile. Tout ce que critique, à juste titre, l’auteur dans les pratiques des fournisseurs de technologies n’est finalement que la transposition dans le monde numérique de comportements humains. Lorsque l’on critique les conditions générales incompréhensibles des éditeurs de services ou d’applications, y a-t-il tant de différences avec les conditions générales d’ouverture d’un compte dans une banque que votre banquier vous fait signer, en vous faisant comprendre que cela ne sert à rien de les lire. Lorsque vous souscrivez un contrat d’assurance, une mutuelle de santé, lisez-vous les nombreuses pages en petits caractères du contrat et de ses annexes ? Et cela ne date pas de l’émergence de la technologie !

Quand l’auteur critique la simplicité d’abonnement à Amazon Prime et la complexité de son désabonnement, ne s’agit-il pas d’une technique de rétention du client, bien connu des professionnels du markéting, et que l’on avait déjà beaucoup critiquée dans le monde non numérique des opérateurs mobiles dans les années 90 ?

Quant à dire du bien de son produit, même s’il dissimule des penchants moins avouables, est-ce que cela ne s’appelle tout simplement pas de publicité ? 3000 av. J.-C. en Égypte, 1477 en Angleterre, ou en 1660 dans The London Gazette… tout le monde ne date pas de la même manière la première publicité. Mais lorsque les médecins faisaient la promotion de la cigarette et de ses bienfaits (1) dans les années 60-70, c’était de la publicité, et il n’y avait pas de numérique !

Un livre donc intéressant à lire pour disposer d’un résumé des mauvaises pratiques des éditeurs de logiciels et de plates-formes. Mais un livre qui nous laisse sur notre faim. Sur une centaine de pages, seules quelques lignes sont consacrées à la recherche de solutions. On aurait aimé que l’auteur fasse des propositions concrètes. Faut-il réglementer ? Localement, mondialement, et de quelle manière ? Doit-on censurer et interdire certaines applications, certaines pratiques, et comment mettre en œuvre cette censure ? Doit-on éduquer, à l’école via les enseignants, à la maison au travers des parents ? Doit-on créer un modèle économique obligatoire qui permettrait à chacun de comptabiliser l’usage qui est fait de ses données, pour en percevoir une partie ? Comment le mettre en œuvre ? Par quel modèle économique accepté par le client pourrait-on remplacer la donnétisation ?

D’ailleurs, est-ce le numérique qu’il faut critiquer ou l’Homme, qui le développe, tout comme celui qui l’utilise ? Un livre à lire sans aucun doute pour prendre la mesure du problème, mais on espère que l’auteur nous prépare un second ouvrage axé sur les pistes de solutions possibles.

ISBN : 978-2336494203
Lien : https://www.editions-harmattan.fr/catalogue/livre/la-donnetisation/77353





Commentaires

1.Posté par Clarence Tocchio le 02/01/2025 09:51
Je suis d'accord avec vous sur le fait que l'utilisateur préfère utiliser des tas de services gratuits et se plaint ensuite que ses données soient commercialisées. Cependant, il faut distinguer le fait que l'utilisateur souhaite avoir accès à un service gratuit (qui lui a toujours été présenté comme tel) et le niveau d'information qui lui ait communiqué. Pendant longtemps (et encore aujourd'hui pour de nombreux services), il a une opacité sur le traitement des données, ne permettant pas à l'utilisateur d'avoir un consentement "libre et éclairé" (article 4, 11° du RGPD). On peut à contrario critiquer ce point en disant qu'aujourd'hui, certes les utilisateurs ont davantage d'informations sur le "sort" de leurs données, mais ne souhaitent pas pour autant revoir leurs choix. Toute est une question de sensibilisation du public, qui préfère rester dans l'ignorance car "ils n'ont rien à cacher".
Je ne suis en revanche pas du même avis que vous quand vous dîtes "qu'on peut très bien vivre sans facebook, twitter, instagram, linkedin et les autres". On peut également "vivre" sans voiture et transport en commun mais pourrait-on imaginer une vie sans ? Au même titre que les services numériques. En effet, ces plateformes font désormais partie intégrante de notre quotidien. Elles nous permettent d'échanger, de partager mais surtout, de s'intégrer. Nous utilisons souvent ces services pour avoir des informations et rester informés que par simple pure volonté (ex : les parents qui utilisent What's App pour être ajouté aux groupes des parents d'élèves et avoir les informations relatives à leurs enfants, les adolescents qui créent un compte Messenger pour être ajouté au groupe de la classe ou encore pour avoir accès à la santé, on est malheureusement "obligé" d'avoir un compte Doctolib (en France). Ce n'est donc pas une question d'adictologie mais une question d'insertion dans la société pour avoir un confort de vie : travail, santé, etc.
De plus, ces services utilisent pour la plupart des interfaces trompeuses qui incitent inconsciemment l'utilisateur à partager davantage d'informations qu'il le ferait.
Ainsi, c'est en ce sens que je considère que l'utilisateur "n'a pas le choix". On pourra à mon sens repartager la responsabilité, lorsque les plateformes cesseront d'utiliser les biais cognitifs de l'être humain et placeront l'utilisateur au centre, lui permettant alors de faire ses propres choix;

En ce qui concerne le focus du livre, je suis tout à fait d'accord avec vous, je me suis principalement concentrée sur le problème pour cet essai et tacherai à l'avenir (peut-être dans un prochain ouvrage :) d'apporter tout un tas de solutions. Je suis en effet bien plus optimiste que ce que l'ouvrage peut laisser paraître. Ces services changent notre quotidien, et nous permettent de faire de choses merveilleuses. Je reste cependant vigilante et avec une volonté de préserver nos libertés fondamentales, notamment le droit à la vie privée.

Je reviens également sur un point de votre article, à la différence des conditions générales pour ouvrir un compte en banque ou souscrire à une mutuelle santé, dans la situation précise des services numériques, ce sont nos données personnelles, soit une prolongation de nous-mêmes puisqu'elles permettent de nous identifier et établir un profil extrêmement détaillé, qui alimentent ces services. C'est pourquoi, bien que les entreprises souhaitent se protéger en établissant ces conditions, elles devraient davantage les rendre lisibles afin que l'utilisateur puisse prendre pleinement conscience de tout ce qui est fait avec ces likes, heures de connexion, relations, etc.. (on peut penser au legal design dans cette situation).

Enfin, la publicité ne date pas d'hier certes, mais aujourd'hui on est sur une publicité ciblée et ultra personnalisé, qui sous prétexte de proposer aux utilisateurs des produits qui lui correspondent, collectent une quantité inconsidérable de données et qui sont souvent aussi utilisées pour d'autres finalités (manipulation, orientation des intérêts, etc... le scandal Cambridge Analytica illustre bien cette idée).

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