Internet a donné la parole à tout le monde, y compris à ceux qui n’avaient rien à dire. Un monde qui progresse au rythme du ludique et de la gratuité, où tout de la politique au stylo bille se doit d’être un amusement et de raser gratis. Des mots comme autant de tiques verbaux, avec un pouvoir de contagion fulgurant. Mais c’est peut-être avec la présentation d’un probable prochain réseau social, par Emmanuelle Talon, chroniqueuse de La Matinale, que ma tasse de café a débordé… Après avoir Googlé nos amis, voisins, collègues, collaborateurs… après s’être répandus en digression et images Facebookiennes, après avoir plongé à phrases perdues dans la Twitérature, s’annonce donc un nouveau réseau, Bleepee, dont (heureusement ?) je n’ai jusqu’ici trouvé ni trace, ni orthographe d’ailleurs. Au risque assumé de passer pour une techno-acariâtre, certains usages d’Internet ont des raisons que la raison semble ignorer.
Tout un chacun semble prétendre à une vie publique et à une vie privée, avec une distinction aux contours parfois flous. Les exemples sont légion d’arrêt de travail ou d’enterrement d’un parent contredit par une photo festive publiée sur Facebook. Sans compter les bêtes de foire d’un jour, revendiquant avec insistance dès le lendemain leur droit à l’oubli. Les réseaux sociaux, de cercles professionnels ou d’intérêt, sont devenus un vaste tout où chacun déverse ce qu’il fait ou ce qu’il pense, supposant que ses activités et autres éructations cérébrales passionnent quiconque. Le propos fut alors « t’as combien d’amis » et non de savoir si l’on avait retrouvé des amis d’enfance ou noué des contacts professionnels. Le nombre fait loi ! Les réseaux sociaux en particulier et Internet en général se nourrissent de contenus et le contenu c’est nous. Bleepee pour sa part pousse l’exposition un cran plus loin. Trop loin ? J’aimerai y croire, mais rien n’est moins sûr. Il s’agirait dorénavant de partager l’information – très relative – de ce que l’on achète en temps réel (annoncé). Comment ? A l’inscription, l’internaute indique ses coordonnées bancaires et à chaque fois qu’il fait un achat avec sa carte bleue, celui-ci apparait sur le site, selon le même principe que Twitter. Quel intérêt ? Je cherche encore. Les coordonnées bancaires restent quant à elles secrètes, mais les achats restent affichés formant une sorte de relevé de carte bleue public ou une liste de course à postériori. Ainsi chacun peut voir ce que sa mère, un ami ou un quidam a acheté, où et pour quelle somme. Quel intérêt ? Je cherche toujours. Dis moi ce que tu consommes, je te dirais qui tu es !
Tout un chacun semble prétendre à une vie publique et à une vie privée, avec une distinction aux contours parfois flous. Les exemples sont légion d’arrêt de travail ou d’enterrement d’un parent contredit par une photo festive publiée sur Facebook. Sans compter les bêtes de foire d’un jour, revendiquant avec insistance dès le lendemain leur droit à l’oubli. Les réseaux sociaux, de cercles professionnels ou d’intérêt, sont devenus un vaste tout où chacun déverse ce qu’il fait ou ce qu’il pense, supposant que ses activités et autres éructations cérébrales passionnent quiconque. Le propos fut alors « t’as combien d’amis » et non de savoir si l’on avait retrouvé des amis d’enfance ou noué des contacts professionnels. Le nombre fait loi ! Les réseaux sociaux en particulier et Internet en général se nourrissent de contenus et le contenu c’est nous. Bleepee pour sa part pousse l’exposition un cran plus loin. Trop loin ? J’aimerai y croire, mais rien n’est moins sûr. Il s’agirait dorénavant de partager l’information – très relative – de ce que l’on achète en temps réel (annoncé). Comment ? A l’inscription, l’internaute indique ses coordonnées bancaires et à chaque fois qu’il fait un achat avec sa carte bleue, celui-ci apparait sur le site, selon le même principe que Twitter. Quel intérêt ? Je cherche encore. Les coordonnées bancaires restent quant à elles secrètes, mais les achats restent affichés formant une sorte de relevé de carte bleue public ou une liste de course à postériori. Ainsi chacun peut voir ce que sa mère, un ami ou un quidam a acheté, où et pour quelle somme. Quel intérêt ? Je cherche toujours. Dis moi ce que tu consommes, je te dirais qui tu es !
L’exhibitionnisme consumériste apporte une nouvelle corde à l’arc du grand n’importe quoi. Un puit sans fond d’informations supposées, que les marchands seraient inspirés de mettre à profit pour définir avec une précision factuelle qui consomme quoi et par recoupement analytique savoir qui cibler. Quant aux avantages présumés pour les inscrits… les intérêts restent discutables dans leur intérêt justement : voir qu’un ami est attablé à une terrasse de café pour l’y retrouver, rien de bien nouveau ; voir qu’un proche a acheté tel livre permettrait de recueillir son avis ou de le lui emprunter… Supposant pour définitive la dématérialisation des relations humaines et condamnant les sujets de conversation à commencer par « J’ai acheté… », laissant à la vieille garde le « Tiens j’ai lu le dernier Patrick Rambaud… » avant de poursuivre la conversation. L’humain serait-il donc soluble dans la technologie ? À moins que la multiplication sans fin des réseaux sociaux jusqu’aux orientations les plus infondées n’annonce leur disparition prochaine dans un trou noir qu’ils auraient eux-mêmes alimenté de leur vide. D’autant que le manque de discernement d’hier consistant à miser sur des courants d’air ou sur l’inconsistance semble promis à la répétition.
Le dévoilement de soi, initié avec les réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter mais aussi quelques communautés d’intérêt, passe à une étape supérieure. Cet affichage n’est pas sans conséquences possibles. Au delà de l’affichage contrôlé ou non qu’il offre de nous, théâtralisant notre vie aux yeux du monde ou des égarés échoués sur notre profil, il offre à qui saurait les exploiter beaucoup trop d’informations. Le pendant web d’une émission de décoration propose à ses abonnés de publier sur leur profil (obligatoire pour accéder au contenu) des photos de leurs intérieurs, avec ville et code postal. En soi rien de grave jusqu’à ce que cette information soit utilisée à mauvais escient. Il en va de même pour la liste de nos achats. Cambriolage, vol, usurpation d’identité, abus de faiblesse, autant d’affichage entraine une part de vulnérabilité. Le moindre mal serait de devenir la cible volontaire des marchands, courtois ou pressants, à qui nous ouvrons nos goûts, nos choix et plus encore. Car aussi peu structurée qu’elle soit, cette information répendue saura rapidement être interprétée et exploitée par l’analyse et la statistique. Mais ouvrir ainsi notre porte à qui veut bien la franchir, même virtuellement fait de nous une cible facile, pour le cambrioleur qui saura estimer à l’avance le butin à saisir, par exemple. Car cette part d’ombre de la société réelle a aussi su trouver sa place dans le monde virtuel faisant moisson de nos moments d’égarement, d’inconscience et de bêtise. Les compagnies d’assurances mesureront-elles bientôt les risques que nous prenons à notre exposition active pour le calcul leurs primes. A l’instar d’un objet laissé en évidence dans une voiture ou d’un lieu d’habitation considéré trop à risque, notre exhibition sera peut être sanctionnée par le montant de notre assurance ou le refus de couverture. Il en va de même pour les banques. Comment considéreront-elles l’usage frauduleux d’une carte de paiement dont les coordonnées, fussent-elles protégées, seraient communiquées librement à un réseau social, basé selon toute logique hors de l’hexagone et du droit français ?
Quelques uns ne manqueront pas de voir dans ce nouvel arrivant une évolution logique. Mais cette tendance du monde virtuel à se repaître de la banalité bien réelle du quotidien a-t-elle un quelconque intérêt ? Certes, afficher à qui veut le lire que l’on a acquis un écran plat 3D ou l’iPad contribue à construire son image publique, en revanche pour les courses du samedi, la bronchite hivernale, le vétérinaire, le fioul de la chaudière… On est loin de l’info ludique, encore qu’elle nous dévoile ! Comme serait interprétée la fréquentation assidue d’une pharmacie par une banque, un assureur, un employeur ? Quelques autres ne manqueront pas de douter de la capacité du réseau à s’implanter en France et notamment pour des raisons culturelles, (discours également tenu à l’aune de la télé réalité dont chacun s’offusquait, plaçant notre culture au dessus du caniveau). Reste à espérer que la crainte de communiquer ses coordonnées bancaires fasse avorter le développement d’une telle plate-forme. Quant à la crainte de publier ses données d’achat… L’idée de voir sa personnalité résumée à un relevé de carte bleue devrait en rebuter plus d’un, mais ne sous-estimons pas l’attrait potentiel de cet étalage dans une époque propre à caractériser selon les marques. Si la menace Bleepee peut nous paraître aujourd’hui lointaine ou absurde, les appréciations que soulève déjà le réseau sont propres à inquiéter. Le désinvolte « c’est fou de tout partager comme ça ! », pourrait déchanter à travers un inquisiteur « qu’avez-vous à cacher ». Libre à chacun de positionner son curseur entre pudeur et exhibition, vie privée et vie publique. Et de conclure sa chronique Emmanuelle Talon propose « le mieux est d’être pragmatique et d’être sur Bleepee en montrant de soi exactement ce que l’on souhaite montrer se soi. » La solution évoquée étant de posséder deux cartes bancaires (l’une pour sa vie publique, la seconde pour sa privée) faisant au passage la joie d’un banquier qui n’en espérait pas tant pour additionner les frais de gestion associés.
Le marketing de soi, fait de nous un produit comme les autres : promu, consommé, jeté… Mais à force de théâtraliser notre vie, de pencher entre mythomanie ou schizophrénie, les dés sont pipés, et la réalité doit au final paraître bien fade. Mais gageons que les mêmes, après s’être affichés tant et plus, hurleront au harcèlement commercial de marques qui ne les considèreraient que comme des consommateurs. J’emprunterai la conclusion aux colonnes de Télérama à qui Daniel Kaplan, délégué général de la Fing (Fondation Internet nouvelle génération) confiait sous la plume de Sophie Lherm « Ils (les gens) sèment des indices implicites, baratinent. Il y a une véritable théâtralisation de soi. Les utilisateurs sont déjà dans une gestion du risque, pas du tout dans la transparence passive. » Messieurs les décisionnaires, affutez vos analyses et soyez en avertis, l’information valide sera la prochaine pépite que vous vous emploierez à chercher.
A lire l’interview complète de Daniel Kaplan et plus généralement le dossier consacré par Télérama à l’Innovation, riche d’instruction. www.Telerama.fr
Le dévoilement de soi, initié avec les réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter mais aussi quelques communautés d’intérêt, passe à une étape supérieure. Cet affichage n’est pas sans conséquences possibles. Au delà de l’affichage contrôlé ou non qu’il offre de nous, théâtralisant notre vie aux yeux du monde ou des égarés échoués sur notre profil, il offre à qui saurait les exploiter beaucoup trop d’informations. Le pendant web d’une émission de décoration propose à ses abonnés de publier sur leur profil (obligatoire pour accéder au contenu) des photos de leurs intérieurs, avec ville et code postal. En soi rien de grave jusqu’à ce que cette information soit utilisée à mauvais escient. Il en va de même pour la liste de nos achats. Cambriolage, vol, usurpation d’identité, abus de faiblesse, autant d’affichage entraine une part de vulnérabilité. Le moindre mal serait de devenir la cible volontaire des marchands, courtois ou pressants, à qui nous ouvrons nos goûts, nos choix et plus encore. Car aussi peu structurée qu’elle soit, cette information répendue saura rapidement être interprétée et exploitée par l’analyse et la statistique. Mais ouvrir ainsi notre porte à qui veut bien la franchir, même virtuellement fait de nous une cible facile, pour le cambrioleur qui saura estimer à l’avance le butin à saisir, par exemple. Car cette part d’ombre de la société réelle a aussi su trouver sa place dans le monde virtuel faisant moisson de nos moments d’égarement, d’inconscience et de bêtise. Les compagnies d’assurances mesureront-elles bientôt les risques que nous prenons à notre exposition active pour le calcul leurs primes. A l’instar d’un objet laissé en évidence dans une voiture ou d’un lieu d’habitation considéré trop à risque, notre exhibition sera peut être sanctionnée par le montant de notre assurance ou le refus de couverture. Il en va de même pour les banques. Comment considéreront-elles l’usage frauduleux d’une carte de paiement dont les coordonnées, fussent-elles protégées, seraient communiquées librement à un réseau social, basé selon toute logique hors de l’hexagone et du droit français ?
Quelques uns ne manqueront pas de voir dans ce nouvel arrivant une évolution logique. Mais cette tendance du monde virtuel à se repaître de la banalité bien réelle du quotidien a-t-elle un quelconque intérêt ? Certes, afficher à qui veut le lire que l’on a acquis un écran plat 3D ou l’iPad contribue à construire son image publique, en revanche pour les courses du samedi, la bronchite hivernale, le vétérinaire, le fioul de la chaudière… On est loin de l’info ludique, encore qu’elle nous dévoile ! Comme serait interprétée la fréquentation assidue d’une pharmacie par une banque, un assureur, un employeur ? Quelques autres ne manqueront pas de douter de la capacité du réseau à s’implanter en France et notamment pour des raisons culturelles, (discours également tenu à l’aune de la télé réalité dont chacun s’offusquait, plaçant notre culture au dessus du caniveau). Reste à espérer que la crainte de communiquer ses coordonnées bancaires fasse avorter le développement d’une telle plate-forme. Quant à la crainte de publier ses données d’achat… L’idée de voir sa personnalité résumée à un relevé de carte bleue devrait en rebuter plus d’un, mais ne sous-estimons pas l’attrait potentiel de cet étalage dans une époque propre à caractériser selon les marques. Si la menace Bleepee peut nous paraître aujourd’hui lointaine ou absurde, les appréciations que soulève déjà le réseau sont propres à inquiéter. Le désinvolte « c’est fou de tout partager comme ça ! », pourrait déchanter à travers un inquisiteur « qu’avez-vous à cacher ». Libre à chacun de positionner son curseur entre pudeur et exhibition, vie privée et vie publique. Et de conclure sa chronique Emmanuelle Talon propose « le mieux est d’être pragmatique et d’être sur Bleepee en montrant de soi exactement ce que l’on souhaite montrer se soi. » La solution évoquée étant de posséder deux cartes bancaires (l’une pour sa vie publique, la seconde pour sa privée) faisant au passage la joie d’un banquier qui n’en espérait pas tant pour additionner les frais de gestion associés.
Le marketing de soi, fait de nous un produit comme les autres : promu, consommé, jeté… Mais à force de théâtraliser notre vie, de pencher entre mythomanie ou schizophrénie, les dés sont pipés, et la réalité doit au final paraître bien fade. Mais gageons que les mêmes, après s’être affichés tant et plus, hurleront au harcèlement commercial de marques qui ne les considèreraient que comme des consommateurs. J’emprunterai la conclusion aux colonnes de Télérama à qui Daniel Kaplan, délégué général de la Fing (Fondation Internet nouvelle génération) confiait sous la plume de Sophie Lherm « Ils (les gens) sèment des indices implicites, baratinent. Il y a une véritable théâtralisation de soi. Les utilisateurs sont déjà dans une gestion du risque, pas du tout dans la transparence passive. » Messieurs les décisionnaires, affutez vos analyses et soyez en avertis, l’information valide sera la prochaine pépite que vous vous emploierez à chercher.
A lire l’interview complète de Daniel Kaplan et plus généralement le dossier consacré par Télérama à l’Innovation, riche d’instruction. www.Telerama.fr