Sébastien RICHARD, Spécialiste Analytique RH, membre du comité scientifique HAVASU
J’entends parfois « On est dans le comportement humain ! Ce n’est pas comme cela que ça fonctionne ! » Un achat n’est-il pas non plus un acte « humain » ? Est que le marketing devrait se passer de l’analyse des ventes pour cela ?
« On touche au travail ! C’est sensible ; on doit s’intéresser aux personnes ! » Faut-il attendre qu’un salarié soit absent 6 mois avant que l’on s’intéresse à ses conditions d’exercice ? N’aurait-on rien pu faire avant qu’il ne soit trop tard, en analysant son parcours d’absence ? Faut-il attendre que l’entreprise se vide de ses compétences avant de s’enquérir des raisons pour lesquelles les salariés partent ?
Ces réticences n’ont aucun sens. L’ignorance est un vice. La posture d’ignorant une hérésie dans l’entreprise soumise à une concurrence mondiale.
Pour leur défense, les services RH n’ont pas toujours les compétences, la méthode voire la culture pour apprendre de ces données. Et parfois même ignore ce qu’on peut en faire.
Dont acte. L’analytique RH, c’est-à-dire la technique pour faire parler les données RH, est encore trop peu diffuse. Et puis qu’en attendre ?
Brève mise en perspective « historique » du traitement statistique des données RH et ses évolutions.
Le « Moyen Age » : le descriptif
On méconnait à mon avis la portée d’informations RH relativement simples, correctement sélectionnées et mises en œuvre. Les services RH pourraient assez facilement améliorer leur prise de décision dès lors qu’ils consentiraient à cet effort.
L’exemple le plus typique reste selon moi l’élaboration de la pyramide des âges. Assez fastidieuse à construire, elle ne réclame toutefois qu’une compétence statistique limitée pour une efficacité maximale. Elle fournit des informations précieuses sur la capacité de l’entreprise à se renouveler, sur l’ampleur du risque de perte de compétences, sur les problématiques du vieillissement de la main d’œuvre et les difficultés qui en résultent, notamment en termes de santé.
Néanmoins, il ne faut pas attendre de miracles d’une telle démarche : elle produit plus d’hypothèses que de résultats, et ne dit rien des déterminants du phénomène que l’on étudie.
Le « Siècle des Lumières » : le corrélatif
A partir d’informations structurées, le système décisionnel recherche, de manière plus ou moins aveugle, des liens statistiques avec d’autres variables présentes dans la base de données.
Imaginons une information simple comme une date de départ de l’entreprise. Moyennant quelques précautions (exclure les fins de contrat ou les départs à la retraite, par exemple), le système structure cette information sous la forme d’un taux de démission et « découvre » alors, par exemple, qu’on démissionne plus au service logistique, ou que les hommes de moins de 40 ans démissionnent considérablement plus que les femmes. L’information vise alors à alerter l’utilisateur qui est censé en tirer des conséquences.
Oui, mais lesquelles ?
Soyons clairs : l’essentiel des corrélations débusquées par le système amèneront à enfoncer des portes ouvertes (par exemple « plus les formations sont longues, moins elles sont bien suivies »). Ou à en ouvrir d’autres qui auront pour principal effet de plonger l’utilisateur dans la perplexité (par exemple, « les formations sont moins bien suivies dans les équipes de grande taille »).
Sans compter, on ne le redira jamais assez, que corrélation ne vaut pas causalité et que l’interprétation de corrélations simples est un exercice hasardeux : nos employés du service logistique démissionnent-ils parce qu’ils travaillent à la logistique ou parce que ce sont tous des hommes de moins de 40 ans ? Faute d’accompagnement suffisant, de telles informations fragilisent parfois plus le service RH qu’il ne lui rend service.
La « post-Modernité » : l’analytique RH
Soyons clair là encore : à ma connaissance, cette étape n’a pratiquement pas encore été franchie. Les logiciels les plus aboutis sur le sujet proposent aujourd’hui des modules « HR Analytics » … qui sont rarement achetés par les utilisateurs, qui n’en maîtrisent guère les rouages. L’offre est donc essentiellement une offre d’études, parfois à forte valeur ajoutée mais peu visible dans la masse des diagnostics plus archaïques.
Ce que l’on entend par « Analytique RH » c’est la modélisation d’un phénomène RH et la révélation, par des méthodes statistiques appropriées, des déterminants du phénomène. Comme énoncé en introduction, les champs d’application sont très larges, mais celui de l’absentéisme est en un de mes privilégiés. Complexe, à fort enjeu, multi-factoriel, l’absentéisme et le présentéisme sont des phénomènes qui ont traversé les âges, sans que les outils qui l’analysent aient fait de même. Il en résulte que faute d’un diagnostic approfondi les entreprises en restent principalement à constater le problème, avant d’improviser quelques mesures qui ne seront guère évaluées.
L’analytique RH tente de faire entrer les services RH dans une période moderne d’exploitation des données dont ils disposent. Les budgets à y consacrer ne sont pas colossaux au regard des résultats à en attendre. Les compétences commencent à être disponibles. La Révolution Culturelle doit maintenant démarrer.
« On touche au travail ! C’est sensible ; on doit s’intéresser aux personnes ! » Faut-il attendre qu’un salarié soit absent 6 mois avant que l’on s’intéresse à ses conditions d’exercice ? N’aurait-on rien pu faire avant qu’il ne soit trop tard, en analysant son parcours d’absence ? Faut-il attendre que l’entreprise se vide de ses compétences avant de s’enquérir des raisons pour lesquelles les salariés partent ?
Ces réticences n’ont aucun sens. L’ignorance est un vice. La posture d’ignorant une hérésie dans l’entreprise soumise à une concurrence mondiale.
Pour leur défense, les services RH n’ont pas toujours les compétences, la méthode voire la culture pour apprendre de ces données. Et parfois même ignore ce qu’on peut en faire.
Dont acte. L’analytique RH, c’est-à-dire la technique pour faire parler les données RH, est encore trop peu diffuse. Et puis qu’en attendre ?
Brève mise en perspective « historique » du traitement statistique des données RH et ses évolutions.
Le « Moyen Age » : le descriptif
On méconnait à mon avis la portée d’informations RH relativement simples, correctement sélectionnées et mises en œuvre. Les services RH pourraient assez facilement améliorer leur prise de décision dès lors qu’ils consentiraient à cet effort.
L’exemple le plus typique reste selon moi l’élaboration de la pyramide des âges. Assez fastidieuse à construire, elle ne réclame toutefois qu’une compétence statistique limitée pour une efficacité maximale. Elle fournit des informations précieuses sur la capacité de l’entreprise à se renouveler, sur l’ampleur du risque de perte de compétences, sur les problématiques du vieillissement de la main d’œuvre et les difficultés qui en résultent, notamment en termes de santé.
Néanmoins, il ne faut pas attendre de miracles d’une telle démarche : elle produit plus d’hypothèses que de résultats, et ne dit rien des déterminants du phénomène que l’on étudie.
Le « Siècle des Lumières » : le corrélatif
A partir d’informations structurées, le système décisionnel recherche, de manière plus ou moins aveugle, des liens statistiques avec d’autres variables présentes dans la base de données.
Imaginons une information simple comme une date de départ de l’entreprise. Moyennant quelques précautions (exclure les fins de contrat ou les départs à la retraite, par exemple), le système structure cette information sous la forme d’un taux de démission et « découvre » alors, par exemple, qu’on démissionne plus au service logistique, ou que les hommes de moins de 40 ans démissionnent considérablement plus que les femmes. L’information vise alors à alerter l’utilisateur qui est censé en tirer des conséquences.
Oui, mais lesquelles ?
Soyons clairs : l’essentiel des corrélations débusquées par le système amèneront à enfoncer des portes ouvertes (par exemple « plus les formations sont longues, moins elles sont bien suivies »). Ou à en ouvrir d’autres qui auront pour principal effet de plonger l’utilisateur dans la perplexité (par exemple, « les formations sont moins bien suivies dans les équipes de grande taille »).
Sans compter, on ne le redira jamais assez, que corrélation ne vaut pas causalité et que l’interprétation de corrélations simples est un exercice hasardeux : nos employés du service logistique démissionnent-ils parce qu’ils travaillent à la logistique ou parce que ce sont tous des hommes de moins de 40 ans ? Faute d’accompagnement suffisant, de telles informations fragilisent parfois plus le service RH qu’il ne lui rend service.
La « post-Modernité » : l’analytique RH
Soyons clair là encore : à ma connaissance, cette étape n’a pratiquement pas encore été franchie. Les logiciels les plus aboutis sur le sujet proposent aujourd’hui des modules « HR Analytics » … qui sont rarement achetés par les utilisateurs, qui n’en maîtrisent guère les rouages. L’offre est donc essentiellement une offre d’études, parfois à forte valeur ajoutée mais peu visible dans la masse des diagnostics plus archaïques.
Ce que l’on entend par « Analytique RH » c’est la modélisation d’un phénomène RH et la révélation, par des méthodes statistiques appropriées, des déterminants du phénomène. Comme énoncé en introduction, les champs d’application sont très larges, mais celui de l’absentéisme est en un de mes privilégiés. Complexe, à fort enjeu, multi-factoriel, l’absentéisme et le présentéisme sont des phénomènes qui ont traversé les âges, sans que les outils qui l’analysent aient fait de même. Il en résulte que faute d’un diagnostic approfondi les entreprises en restent principalement à constater le problème, avant d’improviser quelques mesures qui ne seront guère évaluées.
L’analytique RH tente de faire entrer les services RH dans une période moderne d’exploitation des données dont ils disposent. Les budgets à y consacrer ne sont pas colossaux au regard des résultats à en attendre. Les compétences commencent à être disponibles. La Révolution Culturelle doit maintenant démarrer.