Dans quelques jours, je me dirigerai vers la Mecque. Celle qui une fois par an, attire plus de 170 000 pèlerins, qui pendant une semaine, parcoureront les 200 000 mètres carrés de ce lieu sacré de la technologie… le CES, qui se tient la première semaine de janvier à Las Vegas.
Comme des centaines de bloggeurs, analystes, journalistes, je tenterai de comprendre les tendances de cette industrie ou tout au moins d’une de ses facettes, celle orientée vers le consommateur. Car même si les organisateurs du CES ne veulent plus qu’on l’appelle “Consumer Electronic Show”, la majorité des 4000 exposants propose des technologies orientées vers le grand public.
Quel intérêt alors à passer une semaine à Vegas entouré de dizaines de milliers de geeks, passionnés de drones, de robots, de bracelets connectés et de home automation ? Parce qu’au milieu de ces milliers de fabricants de gadgets, j’espère bien trouver ceux qui ont compris que dans un monde connecté, la donnée a de la valeur, et qu’elle est même une source indispensable de valeur pour assurer le succès de ses objets connectés et de l’entreprise qui les commercialisent. Sans analyse de données, votre startup court droit à l’échec.
Comme des centaines de bloggeurs, analystes, journalistes, je tenterai de comprendre les tendances de cette industrie ou tout au moins d’une de ses facettes, celle orientée vers le consommateur. Car même si les organisateurs du CES ne veulent plus qu’on l’appelle “Consumer Electronic Show”, la majorité des 4000 exposants propose des technologies orientées vers le grand public.
Quel intérêt alors à passer une semaine à Vegas entouré de dizaines de milliers de geeks, passionnés de drones, de robots, de bracelets connectés et de home automation ? Parce qu’au milieu de ces milliers de fabricants de gadgets, j’espère bien trouver ceux qui ont compris que dans un monde connecté, la donnée a de la valeur, et qu’elle est même une source indispensable de valeur pour assurer le succès de ses objets connectés et de l’entreprise qui les commercialisent. Sans analyse de données, votre startup court droit à l’échec.
Des objets connectés qui ne sont que des gadgets, beaucoup trop chers
Mais commençons pas le commencement. Depuis quelques années le monde ne semble vibrer qu’au rythme d’un nouvel internet, celui des objets. Ces objets connectés seraient la nouvelle manne, tant pour les startups à la recherche de financement, que pour l’écosystème des technologies grand public. Tout devient connecté. Et puisque je vous écris à l’heure du dîner, il me suffit de jeter un oeil à ma table de salon pour en faire l’inventaire potentiel : assiette connectée qui reconnaît et pèse les aliments, fourchette connectée qui mesure ma vitesse d’alimentation, verre connecté qui surveille mon hydratation, détecte ce que je bois et en mesure les calories, cuillère connectée pour que la soupe soit mesurée également, etc. Je pense qu’en cherchant un peu, la liste pourrait s’allonger. Et le problème, c’est que cet ensemble de cuisine, vaut au bas mot, M’dame, M’sieur, plusieurs centaines d’euros, par personne, pour ce qui n’est finalement qu’une somme de gadgets à la fonctionnalité qui frôle l’inutile.
Il existe même un site parodique, The Internet of Useless Things dont je vous recommande la lecture pour vous aider à relativiser ce marché.
Pourquoi inutile ? Mais qui sera prêt à payer plusieurs centaines d’euros pour un ensemble assiette/couverts/verre qui se contente de lui donner accès sur son mobile à quelques statistiques sur son coup de fourchette ?
Tous ces objets ne sont que des gadgets, coûteux, qui n’apportent à l’utilisateur qu’un petit service, sans doute bien inférieur au prix qu’ils demandent. Ils sont, à mon avis, tous voués à l’échec, à plus ou moins long terme.
Il existe même un site parodique, The Internet of Useless Things dont je vous recommande la lecture pour vous aider à relativiser ce marché.
Pourquoi inutile ? Mais qui sera prêt à payer plusieurs centaines d’euros pour un ensemble assiette/couverts/verre qui se contente de lui donner accès sur son mobile à quelques statistiques sur son coup de fourchette ?
Tous ces objets ne sont que des gadgets, coûteux, qui n’apportent à l’utilisateur qu’un petit service, sans doute bien inférieur au prix qu’ils demandent. Ils sont, à mon avis, tous voués à l’échec, à plus ou moins long terme.
Le deuxième effet kiss cool, celui des données
Si l’on se penche sur certaines autres sociétés du monde des objets connectés, on découvre qu’elles appliquent un double modèle économique, lié à l’analyse et la revente des données collectées par les objets.
Rien de très original d’ailleurs, nous connaissons cela depuis 20 ans dans le domaine de la téléphonie mobile : un modèle basé sur la vente des appareils, mais surtout sur la souscription à un abonnement. Et l’opérateur a tellement plus à gagner sur les abonnements et les usages que sur la marge de l’appareil, qu’il en est venu à subventionner l’appareil pour attirer ou conserver des abonnés.
Dans le domaine des objets connectés c’est la même chose.
Pensez-vous que Nest a été racheté par Google pour 3,2 milliards de dollars uniquement parce que Google voulait vendre des thermostats et des détecteurs de chaleur ? Vous seriez bien naïf de le penser. La puissance, et la valeur de Nest, n’est pas dans la vente de ses appareils, mais bien dans les données qu’ils collectent, et qui sont remontées sur les serveurs de la société, pour y être analysés. Ce qui permet aux clients de Nest, en partenariat avec certains fournisseurs d’énergie, de bénéficier d’un contrôle automatique, à distance de la température de leur maison (chaleur ou climatisation). Car aux États-Unis, les fournisseurs d’énergie sont prêts à acheter des données qui leur permettront d’éviter les pics de consommation (qui leur coûtent très cher en production) et surtout d’éviter les black-outs. Une analyse très intéressante est d’ailleurs proposée sur un blog tenu par EDF. Les données ont de la valeur, Nest les analysent et les revend, et en fait bénéficier le client sous forme de programmes qui lui permettent d’économiser.
Tout le monde sait que pour éviter les visites chez le dentiste, il faut se brosser les dents. Mais aujourd’hui, que vous vous brossiez les dents ou pas, votre assurance prendra en charge vos consultations chez le dentiste. Beam a imaginé une brosse à dents connectée, et l’assurance soins dentaires qui va avec. Le plan proposé inclut la brosse à dents, les accessoires, et l’assurance dentaire. Voici une autre manière de valoriser les données générées par l’usage de l’objet connecté.
Autre exemple, la startup MySeat, qui propose depuis quelques mois un détecteur de présence, combiné avec un logiciel qui optimise l’usage des bureaux partagés et des salles de réunion dans les grands immeubles de bureaux. Le capteur vaut quelque dizaines d’euros, mais ce sont les données collectées qui ont de la valeur. D’ailleurs, après avoir détecté la présence, les concepteurs de MySeat ont découvert que leur capteur permettait également de détecter le stress. Pas le capteur en réalité, mais les algorithmes appliqués aux données collectées. Bien malheureusement, cette notion de détection et de prévention du stress doit rappeler quelques mauvais souvenirs chez France Telecom… Aujourd’hui des capteurs, des données et les bons algorithmes permettraient peut-être de sauver une vie.
La combinaison gagnante, tant pour le client que pour le fabricant d’objets est là : des objets, qui génèrent des données, analysées par des algorithmes. Sans ces trois piliers, votre invention géniale ne connaîtra pas le succès.
Rien de très original d’ailleurs, nous connaissons cela depuis 20 ans dans le domaine de la téléphonie mobile : un modèle basé sur la vente des appareils, mais surtout sur la souscription à un abonnement. Et l’opérateur a tellement plus à gagner sur les abonnements et les usages que sur la marge de l’appareil, qu’il en est venu à subventionner l’appareil pour attirer ou conserver des abonnés.
Dans le domaine des objets connectés c’est la même chose.
Pensez-vous que Nest a été racheté par Google pour 3,2 milliards de dollars uniquement parce que Google voulait vendre des thermostats et des détecteurs de chaleur ? Vous seriez bien naïf de le penser. La puissance, et la valeur de Nest, n’est pas dans la vente de ses appareils, mais bien dans les données qu’ils collectent, et qui sont remontées sur les serveurs de la société, pour y être analysés. Ce qui permet aux clients de Nest, en partenariat avec certains fournisseurs d’énergie, de bénéficier d’un contrôle automatique, à distance de la température de leur maison (chaleur ou climatisation). Car aux États-Unis, les fournisseurs d’énergie sont prêts à acheter des données qui leur permettront d’éviter les pics de consommation (qui leur coûtent très cher en production) et surtout d’éviter les black-outs. Une analyse très intéressante est d’ailleurs proposée sur un blog tenu par EDF. Les données ont de la valeur, Nest les analysent et les revend, et en fait bénéficier le client sous forme de programmes qui lui permettent d’économiser.
Tout le monde sait que pour éviter les visites chez le dentiste, il faut se brosser les dents. Mais aujourd’hui, que vous vous brossiez les dents ou pas, votre assurance prendra en charge vos consultations chez le dentiste. Beam a imaginé une brosse à dents connectée, et l’assurance soins dentaires qui va avec. Le plan proposé inclut la brosse à dents, les accessoires, et l’assurance dentaire. Voici une autre manière de valoriser les données générées par l’usage de l’objet connecté.
Autre exemple, la startup MySeat, qui propose depuis quelques mois un détecteur de présence, combiné avec un logiciel qui optimise l’usage des bureaux partagés et des salles de réunion dans les grands immeubles de bureaux. Le capteur vaut quelque dizaines d’euros, mais ce sont les données collectées qui ont de la valeur. D’ailleurs, après avoir détecté la présence, les concepteurs de MySeat ont découvert que leur capteur permettait également de détecter le stress. Pas le capteur en réalité, mais les algorithmes appliqués aux données collectées. Bien malheureusement, cette notion de détection et de prévention du stress doit rappeler quelques mauvais souvenirs chez France Telecom… Aujourd’hui des capteurs, des données et les bons algorithmes permettraient peut-être de sauver une vie.
La combinaison gagnante, tant pour le client que pour le fabricant d’objets est là : des objets, qui génèrent des données, analysées par des algorithmes. Sans ces trois piliers, votre invention géniale ne connaîtra pas le succès.
Mais alors, pourquoi certains s’entêtent encore ?
C’est un peu un mystère pour moi… Au gré des communiqués de presse d’annonce reçus, je découvre ce qui me semble à première vue des pépites; mais en creusant un tout petit peu, je suis souvent déçu par la courte vue de leurs créateurs, qui se concentrent sur le gadget et oublient la vision globale, incluant les données, leur analyse, et leur commercialisation.
Un exemple me vient à l’esprit, croisé la semaine dernière en préparant justement ma visite au CES. Et je suis par avance désolé que cela tombe sur lui, mais c’est un modèle du genre.
Je vous présente CielPur, une superbe invention, qui nous propose de surveiller la qualité de l’air que nous respirons. Alors que la pollution envahit parfois nos villes, que les pouvoirs publics réagissent avec au moins une journée de décalage, et qu’on sait que le nuage de Tchernobyl s’était arrêté à nos frontières, avoir dans sa poche un appareil autonome et objectif est certainement une bonne idée. Six indicateurs sont mesurés, et synthétisés dans une lumière verte, orange ou rouge, qui vous conseille clairement sur l’attitude à adopter. Mais ce petit appareil coûte quand même 199$ (en promotion actuellement à 169$). La société qui le commercialise est basée à Hong-Kong, et on sait que la pollution de certaines villes d’Asie justifie l’investissement. Mais dépenserez vous 199$ pour surveiller la qualité de l’air à Limoges, Lausanne, Bruges ou Trois-Rivières ?
J’ai donc posé la question à Francois Vandenheste, le dirigeant de la société. Y a-t-il derrière CielPur, un second modèle d’affaires, basé sur la collecte, l’analyse et la revente de données agrégées ? Eh bien non, malheureusement. “Pour l'instant l'application permet de partager les relevés sur son réseau social. Dans une V2, les utilisateurs pourront partager leurs données sur les particules fines sur Googlemap. On n'exclue rien, mais il faudra attendre que l'on ait vendu quelques centaines de milliers de pièces”, explique-t-il.
Et c’est bien là le problème. Y aura-t-il plusieurs centaines de milliers d’utilisateurs prêts à payer 199$ pour ce produit ? Et se contenteront-ils de partager l’information sur les particules fines alors que l’appareil collecte également le CO2, la température, l’humidité, et les COV (Composés Organiques Volatiles).
Une autre manière de voir les choses, aurait été de proposer le produit à un prix plus raisonnable, ou peut-être même sous forme d’un abonnement. Pour disposer rapidement d’un parc important d’utilisateur. Puis de collecter de manière intensive les données sur la pollution là où se situent les utilisateurs; de les analyser, et d’en tirer des modèles prédictifs. Ces modèles analytiques auraient ainsi de la valeur pour certaines entreprises qui doivent prévoir des travaux en extérieur par exemple, pour les gouvernements à qui cela coûterait moins cher d’acheter des données que d’installer des stations de mesure, aux métiers du tourisme et des loisirs qui pourraient communiquer sur la qualité de l’air; et finalement surtout aux particuliers comme vous et moi. Car si un appareil me dit que là, tout de suite, maintenant, je ne dois plus sortir, c’est bien. Mais si ce même appareil me proposait du prédictif, ce serait encore mieux, et cela aurait plus de valeur.
Donc voilà, en résumé, CielPur est une superbe invention. Mais je crains pour sa pérennité, tout simplement parce que son modèle ne s’appuie que sur l’appareil, une application mobile, et un usage personnel; occultant la partie données et la partie algorithmes.
Un exemple me vient à l’esprit, croisé la semaine dernière en préparant justement ma visite au CES. Et je suis par avance désolé que cela tombe sur lui, mais c’est un modèle du genre.
Je vous présente CielPur, une superbe invention, qui nous propose de surveiller la qualité de l’air que nous respirons. Alors que la pollution envahit parfois nos villes, que les pouvoirs publics réagissent avec au moins une journée de décalage, et qu’on sait que le nuage de Tchernobyl s’était arrêté à nos frontières, avoir dans sa poche un appareil autonome et objectif est certainement une bonne idée. Six indicateurs sont mesurés, et synthétisés dans une lumière verte, orange ou rouge, qui vous conseille clairement sur l’attitude à adopter. Mais ce petit appareil coûte quand même 199$ (en promotion actuellement à 169$). La société qui le commercialise est basée à Hong-Kong, et on sait que la pollution de certaines villes d’Asie justifie l’investissement. Mais dépenserez vous 199$ pour surveiller la qualité de l’air à Limoges, Lausanne, Bruges ou Trois-Rivières ?
J’ai donc posé la question à Francois Vandenheste, le dirigeant de la société. Y a-t-il derrière CielPur, un second modèle d’affaires, basé sur la collecte, l’analyse et la revente de données agrégées ? Eh bien non, malheureusement. “Pour l'instant l'application permet de partager les relevés sur son réseau social. Dans une V2, les utilisateurs pourront partager leurs données sur les particules fines sur Googlemap. On n'exclue rien, mais il faudra attendre que l'on ait vendu quelques centaines de milliers de pièces”, explique-t-il.
Et c’est bien là le problème. Y aura-t-il plusieurs centaines de milliers d’utilisateurs prêts à payer 199$ pour ce produit ? Et se contenteront-ils de partager l’information sur les particules fines alors que l’appareil collecte également le CO2, la température, l’humidité, et les COV (Composés Organiques Volatiles).
Une autre manière de voir les choses, aurait été de proposer le produit à un prix plus raisonnable, ou peut-être même sous forme d’un abonnement. Pour disposer rapidement d’un parc important d’utilisateur. Puis de collecter de manière intensive les données sur la pollution là où se situent les utilisateurs; de les analyser, et d’en tirer des modèles prédictifs. Ces modèles analytiques auraient ainsi de la valeur pour certaines entreprises qui doivent prévoir des travaux en extérieur par exemple, pour les gouvernements à qui cela coûterait moins cher d’acheter des données que d’installer des stations de mesure, aux métiers du tourisme et des loisirs qui pourraient communiquer sur la qualité de l’air; et finalement surtout aux particuliers comme vous et moi. Car si un appareil me dit que là, tout de suite, maintenant, je ne dois plus sortir, c’est bien. Mais si ce même appareil me proposait du prédictif, ce serait encore mieux, et cela aurait plus de valeur.
Donc voilà, en résumé, CielPur est une superbe invention. Mais je crains pour sa pérennité, tout simplement parce que son modèle ne s’appuie que sur l’appareil, une application mobile, et un usage personnel; occultant la partie données et la partie algorithmes.
Faisons donc le tri : avec ou sans modèle de valorisation des données ?
Alors que la France se dresse sur les ergots de son coq de la French Tech, plaçant l’internet des objets au coeur de la relance économique; quelles sont les startups qui appliquent correctement ce modèle Objets - Données - Algorithmes; et quels sont les investisseurs qui “boiront le bouillon” car ils n’auront pas compris cette dualité des modèles et croiront encore à l’effet gadget ?
On se retrouve dans quelques jours, après le CES, avec un compte-rendu de ce que j’y aurai découvert pour vous comme objets connectés intéressants, créateurs de données et valorisant leur analyse. Bonne année 2016 à tous quand même !
On se retrouve dans quelques jours, après le CES, avec un compte-rendu de ce que j’y aurai découvert pour vous comme objets connectés intéressants, créateurs de données et valorisant leur analyse. Bonne année 2016 à tous quand même !