Emmanuel Frot, Vice-président de Microeconomix
Mal définie et mal contrôlée, une politique tarifaire a de fortes chances d’entraver la création de marge. Cela essentiellement dans l’univers B2B où elle en reste l’un des principaux leviers. Pourtant les entreprises issues de ce secteur tardent à mettent en œuvre les moyens économétriques requis. Contrairement à leurs cousines du B2C, les entreprises issues du secteur B2B n’ont pas une culture satisfaisante de la donnée. De fait, elles disposent rarement des compétences nécessaires pour traiter et analyser leurs informations de facturation de manière fine. Ces données de ventes réunissent pourtant souvent des dizaines ou des centaines de milliers d’articles, de clients et de conditions tarifaires distincts. L’occasion de découvrir leur grande disparité et de prendre conscience du besoin d’agir. Aujourd’hui, seules les grandes entreprises du B2C (la grande distribution dans son ensemble et l’e-commerce) se sont donné les moyens d’exploiter ce précieux gisement, encore considéré par l’univers B2B comme une contrainte et non une richesse. La politique tarifaire des entreprises du B2B dépend en effet généralement d’une myriade de paramètres, d’exceptions, de pratiques historiques, si bien qu’elles leur semblent impossible de la réformer sur une base rigoureuse. Les outils appropriés existent cependant, à condition de savoir les appliquer avec prudence et discernement. Les entreprises qui sauront mener cette évolution auront à leur disposition des recommandations de politique tarifaire leur permettant de simplifier et d’optimiser leurs prix pour au final accroître leur marge.
1. Se méfier des solutions toutes faites
Attention toutefois. Aujourd’hui de nombreuses solutions de pricing adressent les entreprises B2B pour leur permettre de dégager des prix à partir d’une segmentation de clientèle. Certes ces outils informatiques sont, à première vue, séduisants car ils offrent une impression de maîtrise, de réduction de la complexité des données et un aspect visuel attractif. Mais attention, cette facilité vendue clés en main se fait malheureusement souvent au détriment de la prise en compte de la vraie richesse des données disponibles. Il est fortement conseillé de procéder par étapes et d’acquérir une connaissance très fine des données de l’entreprise. Ceci requiert des compétences très spécifiques en analyse de données et la capacité à appliquer les techniques quantitatives les plus adaptées aux données de l’entreprise. La croyance selon laquelle un unique logiciel préconstruit pourrait correspondre aux besoins de diverses entreprises est encore plus fausse dans le monde du B2B qu’ailleurs.
2. Identifier les enjeux relatifs à l’exploitation des données
Cette phase est cruciale pour plusieurs raisons. D’une part, elle garantit que les recommandations de politique tarifaire proposées seront connectées à la réalité du marché. D’autre part, elle permet d’adresser plusieurs enjeux centraux de suivi de la politique tarifaire comme l’évolution des prix, des taux de remise ou des marges. Cela à partir de données fortement influencées par des effets de composition. Ainsi, la baisse d’un taux de remise d’un mois à l’autre peut avoir plusieurs significations : une politique tarifaire moins généreuse ; des ventes se déplaçant de clients bénéficiant de taux de remise élevés vers d’autres bénéficiant de taux de remise faibles ; chute des ventes réalisées dans certaines zones géographiques ; des produits soumis à une concurrence plus faible ; etc. Mais surtout, et de manière plus probable, un mélange de tous ces effets simultanément. Comprendre les implications et imbrications de ces évolutions constatées semble ainsi à tort relever de la gageure.
3. Mettre en œuvre des modèles économétriques
Cette étape repose sur l’exploitation statistique des données économiques et permet de rationaliser ces évolutions et de les décomposer en autant d’effets distincts. Il est ainsi possible de savoir qu’une baisse du taux de remise de 2 points constatée le mois dernier, s’explique par exemple à hauteur de 0,5 point par une modification du mix client, à hauteur de 1,4 point par le mix produit et seulement à hauteur de 0,1 point par une baisse réelle du taux de remise, c’est-à-dire à type de produit, de client, de contrat, etc. donnés. Cette étape, véritable déconstruction brique par brique des déterminants économiques de la politique tarifaire, ouvre la voie à une compréhension extrêmement fine des prix pratiqués. Elle suffit en soi à fournir aux équipes concernées une batterie d’indicateurs leur permettant de comprendre, d’analyser et de piloter mieux qu’auparavant les prix pratiqués. Elle clarifie le débat entre les équipes commerciales et le management en le recadrant sur les évolutions réelles des prix, c’est-à-dire sans effet de composition, et en renseignant sur l’impact des différents leviers des prix.
4. La formulation des recommandations
Une fois cette connaissance acquise, il est possible de passer à la formulation des recommandations. Un paramètre-clé tient à la réactivité des clients au prix, ce que les économistes appellent l’élasticité-prix de la demande. Les produits les plus « élastiques », c’est-à-dire ceux dont la demande baisse le plus fortement suite à une hausse de prix, devraient être vendus avec des marges plus faibles que les produits « inélastiques ». Si le principe relève du bon sens économique, l’estimation d’élasticités à partir de données de vente se révèle être un exercice particulièrement technique. Il est en fait à l’origine de la fondation de l’économétrie comme discipline au début du XXème siècle et constitue encore de nos jours un champ de recherche actif en économie. De nouveau, la mesure d’élasticité à partir de recettes toutes faites semble plus relever du vœu pieu que de l’approche rigoureuse. Seule une démarche adaptée au fonctionnement du marché étudié et aux données disponibles peut aboutir à des mesures, et donc à des recommandations, utiles d’un point de vue opérationnel en identifiant, par exemple, les articles dont les prix peuvent être augmentées, les clients les plus sensibles aux prix et en proposant des fourchettes de prix sur mesure aux équipes commerciales lors de leurs négociations.
In fine, si la liberté laissée aux commerciaux vis-à-vis de la politique commerciale lors des négociations reste un élément important de la stratégie, il n’en résulte pas moins un foisonnement de prix observés pour des transactions pourtant similaires. Pour le B2B, cette diversité rend encore un peu plus opaque l’application de la politique tarifaire et il est utile de l’encadrer en fournissant à ces équipes des outils leur permettant de formuler des propositions tarifaires reposant sur des faits plutôt que sur leur seule expérience commerciale. Il ne s’agit cependant pas d’opposer les deux mais au contraire de permettre au processus de négociation de s’engager dans un cadre mieux défini et assurant un niveau de marge suffisant.
1. Se méfier des solutions toutes faites
Attention toutefois. Aujourd’hui de nombreuses solutions de pricing adressent les entreprises B2B pour leur permettre de dégager des prix à partir d’une segmentation de clientèle. Certes ces outils informatiques sont, à première vue, séduisants car ils offrent une impression de maîtrise, de réduction de la complexité des données et un aspect visuel attractif. Mais attention, cette facilité vendue clés en main se fait malheureusement souvent au détriment de la prise en compte de la vraie richesse des données disponibles. Il est fortement conseillé de procéder par étapes et d’acquérir une connaissance très fine des données de l’entreprise. Ceci requiert des compétences très spécifiques en analyse de données et la capacité à appliquer les techniques quantitatives les plus adaptées aux données de l’entreprise. La croyance selon laquelle un unique logiciel préconstruit pourrait correspondre aux besoins de diverses entreprises est encore plus fausse dans le monde du B2B qu’ailleurs.
2. Identifier les enjeux relatifs à l’exploitation des données
Cette phase est cruciale pour plusieurs raisons. D’une part, elle garantit que les recommandations de politique tarifaire proposées seront connectées à la réalité du marché. D’autre part, elle permet d’adresser plusieurs enjeux centraux de suivi de la politique tarifaire comme l’évolution des prix, des taux de remise ou des marges. Cela à partir de données fortement influencées par des effets de composition. Ainsi, la baisse d’un taux de remise d’un mois à l’autre peut avoir plusieurs significations : une politique tarifaire moins généreuse ; des ventes se déplaçant de clients bénéficiant de taux de remise élevés vers d’autres bénéficiant de taux de remise faibles ; chute des ventes réalisées dans certaines zones géographiques ; des produits soumis à une concurrence plus faible ; etc. Mais surtout, et de manière plus probable, un mélange de tous ces effets simultanément. Comprendre les implications et imbrications de ces évolutions constatées semble ainsi à tort relever de la gageure.
3. Mettre en œuvre des modèles économétriques
Cette étape repose sur l’exploitation statistique des données économiques et permet de rationaliser ces évolutions et de les décomposer en autant d’effets distincts. Il est ainsi possible de savoir qu’une baisse du taux de remise de 2 points constatée le mois dernier, s’explique par exemple à hauteur de 0,5 point par une modification du mix client, à hauteur de 1,4 point par le mix produit et seulement à hauteur de 0,1 point par une baisse réelle du taux de remise, c’est-à-dire à type de produit, de client, de contrat, etc. donnés. Cette étape, véritable déconstruction brique par brique des déterminants économiques de la politique tarifaire, ouvre la voie à une compréhension extrêmement fine des prix pratiqués. Elle suffit en soi à fournir aux équipes concernées une batterie d’indicateurs leur permettant de comprendre, d’analyser et de piloter mieux qu’auparavant les prix pratiqués. Elle clarifie le débat entre les équipes commerciales et le management en le recadrant sur les évolutions réelles des prix, c’est-à-dire sans effet de composition, et en renseignant sur l’impact des différents leviers des prix.
4. La formulation des recommandations
Une fois cette connaissance acquise, il est possible de passer à la formulation des recommandations. Un paramètre-clé tient à la réactivité des clients au prix, ce que les économistes appellent l’élasticité-prix de la demande. Les produits les plus « élastiques », c’est-à-dire ceux dont la demande baisse le plus fortement suite à une hausse de prix, devraient être vendus avec des marges plus faibles que les produits « inélastiques ». Si le principe relève du bon sens économique, l’estimation d’élasticités à partir de données de vente se révèle être un exercice particulièrement technique. Il est en fait à l’origine de la fondation de l’économétrie comme discipline au début du XXème siècle et constitue encore de nos jours un champ de recherche actif en économie. De nouveau, la mesure d’élasticité à partir de recettes toutes faites semble plus relever du vœu pieu que de l’approche rigoureuse. Seule une démarche adaptée au fonctionnement du marché étudié et aux données disponibles peut aboutir à des mesures, et donc à des recommandations, utiles d’un point de vue opérationnel en identifiant, par exemple, les articles dont les prix peuvent être augmentées, les clients les plus sensibles aux prix et en proposant des fourchettes de prix sur mesure aux équipes commerciales lors de leurs négociations.
In fine, si la liberté laissée aux commerciaux vis-à-vis de la politique commerciale lors des négociations reste un élément important de la stratégie, il n’en résulte pas moins un foisonnement de prix observés pour des transactions pourtant similaires. Pour le B2B, cette diversité rend encore un peu plus opaque l’application de la politique tarifaire et il est utile de l’encadrer en fournissant à ces équipes des outils leur permettant de formuler des propositions tarifaires reposant sur des faits plutôt que sur leur seule expérience commerciale. Il ne s’agit cependant pas d’opposer les deux mais au contraire de permettre au processus de négociation de s’engager dans un cadre mieux défini et assurant un niveau de marge suffisant.