Données et technologie : Oscar donne un coup de vieux à tous les assureurs


Rédigé par le 22 Avril 2015

Avec une offre d’assurance santé basée sur la prévention plutôt que sur le remboursement, Oscar est une startup qui combine des données et des outils technologiques offerts au client. Deux ans d’existence, déjà 200 millions de dollars de revenu annuel, et une valorisation de 1,5 milliard de dollars. Oscar “überise” le marché de l’assurance santé !



Mario Schlosser, CEO de Oscar
La donnée est au coeur du processus de destruction créatrice de notre époque aurait clamé Joseph Schumpeter s’il était encore en vie. Données et technologies, qui permettent à des sociétés que personne ne surveillait, de venir concurrencer de vieilles dames endormies. C’est ce qui est en train de se passer avec Oscar dans le domaine de l’assurance. Oscar est une compagnie d’assurance “data driven”.

Le secteur de l’assurance est une réunion de vieilles dames endormies, adeptes pour la plupart du “on a toujours fait comme cela”. Et bien que ce secteur soit le premier à avoir utilisé des données pour calculer ses primes, l’approche actuarielle n’a pas fondamentalement évoluée depuis… longtemps.
Bien sur, il y a des exceptions. Et ayant eu l’occasion d’animer récemment des séminaires pour une grande compagnie d’assurance nord-américaine, j’ai pu constater combien la profession d’actuaire avait évolué. Elle est plus jeune, plus féminine, et très éloignée de l’image d’Epinal des sombres sourcils de vieux messieurs à lunettes penchés sur des tableaux de “statistiques sur les bébés morts”, comme me l’expliquait Arianne une jeune actuaire juste sortie de l’université.
Mais ce n’est pas le sujet. Juste l’occasion de remettre en perspective ce marché de l’assurance, en particulier de l’assurance santé dont nous allons parler, et ses acteurs actuels, qui ont tous les outils pour évoluer, sauf peut-être le poids du boulet de leur histoire.

Imaginez un assureur santé qui cherche à rembourser le minimum de prestations. Pas par avarice ou pour préserver sa marge, mais parce qu’il vous aura fourni en amont tous les outils pour vous permettre d’éviter les problèmes, et donc les dépenses.
Oscar mise tout sur la technologie pour vous maintenir en bonne santé, et éviter les dépenses médicales inutiles. Oscar vous offre par exemple un bracelet de mesure de votre activité physique. Les études ont montré que les porteurs d’un tel bracelet amélioraient leur forme physique. Si Oscar calcule qu’offrir le bracelet coûte moins cher que les prestations qu’il permet d’économiser, Oscar a raison de choisir la prévention. Et ce principe de responsabilisation pourrait s’appliquer à d’autres maladies et outils. S’il était démontré que se brosser les dents avec une brosse à dents électrique réduit les risques de caries, pourquoi ne pas rembourser tout ou partie de cet investissement et en contrôler l’usage au travers d’un objet connecté. Oscar ne contraint pas - tout au moins pas encore - mais incite à un meilleur comportement. La technologie et les données qu’elle génère sont au coeur de son modèle économique.

Autre exemple, la télémédecine. D’après Oscar, 60 % de ses assurés qui ont eu une bronchite, ont utilisé le service de télémédecine/télédiagnostique. Et 93 % d’entre eux ont ensuite été guéris sans avoir à rendre visite à un médecin. De très belles économies pour Oscar en remboursements de frais médicaux !
L’assureur va même jusqu’à payer ses clients, pour les inciter à se faire vacciner contre la grippe et encore une fois, d’économiser beaucoup d’argent en traitements.
C’est une approche complètement différente de la santé; il devient presque réducteur de parler d’assurance. Car si Oscar assure bien contre les aléas de santé, il agit bien en amont pour qu’ils ne se produisent pas. La meilleure gestion du risque est bien de faire en sorte que le risque ne survienne pas.

Le partage et l’analyse des données est également au coeur des services de Oscar. En connectant les praticiens, les hôpitaux, les pharmacies, Oscar peut collecter des données et indiquer par exemple au praticien si le patient a bien acheté les médicaments prescrits; ou s’il a été voir un autre service de santé. Sous le couvert du secret médical, dans certains pays comme la France, le croisement de ces informations n’existe pas; générant des dépenses inutiles ou des prescriptions dangereuses. Vaut-il mieux la confidentialité ou l’analyse des données ?

Tout cela fait que Oscar, créé en 2013, atteint déjà un chiffre d’affaires de 200 millions de dollars par an, auprès de 40 000 clients, uniquement à New-York et dans le New-Jersey; et la compagnie a récemment été valorisée 1,5 milliard de dollars à l’occasion d’une nouvelle levée de fonds de 145 millions de dollars.

Des chiffres impressionnants, mais Oscar reste un moucheron à l’échelle du marché américain de l’assurance, évalué à 884 milliards de dollars. Un des acteurs de ce marché ne ferait qu’une bouchée de Oscar, et c’est d’ailleurs ce que le plus intelligent d’entre eux aurait intérêt à faire rapidement; non pas pour éviter qu’un concurrent ne se développe, mais pour se transformer lui-même.



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