Les aficionados de Business Objects auront reconnu dans le titre de cette tribune le slogan d’une des campagnes de publicité de l’éditeur décisionnel.
Malheureusement, ce vendredi, le leader mondial des solutions de Business Intelligence a fait disparaître le quart de sa capitalisation boursière en une seule séance parce qu’il n’a pas été capable d’anticiper l’évolution de son marché et de son activité. Cela fait en effet deux fois en quelques mois que Business Objects revoie à la baisse ses prévisions de ventes et de résultat et douche les attentes des analystes. Pour un éditeur qui propose à ses 30.000 clients des solutions de planification et de pilotage, cela fait désordre…
Au-delà de cette raillerie facile, il est nécessaire d’analyser plus profondément les raisons d’un tel effondrement financier.
Officiellement, John Schwarz, le CEO du groupe, explique cette contre-performance par des ventes de licences inférieures aux attentes et par un nombre moins élevé de signatures de grands contrats.
Pour les analystes financiers (Credit Suisse, Morgan Securities, …) qui suivent le titre, cela pourrait indiquer une arrivée à maturité du marché de la Business Intelligence plus rapide que prévu et, par conséquent, un ralentissement du marché.
Malheureusement, ce vendredi, le leader mondial des solutions de Business Intelligence a fait disparaître le quart de sa capitalisation boursière en une seule séance parce qu’il n’a pas été capable d’anticiper l’évolution de son marché et de son activité. Cela fait en effet deux fois en quelques mois que Business Objects revoie à la baisse ses prévisions de ventes et de résultat et douche les attentes des analystes. Pour un éditeur qui propose à ses 30.000 clients des solutions de planification et de pilotage, cela fait désordre…
Au-delà de cette raillerie facile, il est nécessaire d’analyser plus profondément les raisons d’un tel effondrement financier.
Officiellement, John Schwarz, le CEO du groupe, explique cette contre-performance par des ventes de licences inférieures aux attentes et par un nombre moins élevé de signatures de grands contrats.
Pour les analystes financiers (Credit Suisse, Morgan Securities, …) qui suivent le titre, cela pourrait indiquer une arrivée à maturité du marché de la Business Intelligence plus rapide que prévu et, par conséquent, un ralentissement du marché.
Pour ne rien arranger, les cycles de ventes s’allongent et les clients font preuve d’hésitation face à la consolidation du secteur et aux annonces de solutions décisionnelles « low-cost ». Il est vrai que le ticket d'entrée d’une solution décisionnelle n’a cessé de baisser du fait de la banalisation de l’offre BI et de la pression de nouveaux entrants qui révolutionnent la tarification des solutions :
- Microsoft, avec SQL Server 2005, propose une plateforme décisionnelle intégrant une base de données, un serveur OLAP, un outil d'intégration de données et une solution de reporting … le tout pour le prix d’une Logan,
- les acteurs Open Source proposent des briques décisionnelles gratuites (JasperIntelligence, Palo, Pentaho, ...) qui réduisent peu à peu leur écart avec les solutions commerciales et grignotent lentement des parts de marché.
Cette augmentation simultanée de la qualité et de l’ergonomie des solutions, couplée à une baisse du prix global des projets, balaie la mauvaise réputation des solutions décisionnelles (produits chers, mise en oeuvre longue, intégration complexe et onéreuse). En 2006, l’accès à l'information et à la prise de décision est définitivement accessible au plus grand nombre.
Maintenant que les outils sont disponibles, ergonomiques et abordables, une question me traverse l’esprit : pourquoi le marché de la BI n'explose t’il pas ?
Une partie de la réponse réside vraisemblablement dans le sondage en ligne réalisé fin Janvier 2006 dans Decideo (relire l’article « Le tableur reste l’outil de restitution privilégié du décisionnel »). Selon un utilisateur sur deux, le tableur reste l’outil décisionnel idéal. Il est vrai que, lorsqu'il faut unifier rapidement au sein d'un état financier des informations provenant de différentes sources de données de l'entreprise, tous les chemins mènent au tableur.
L’utilisateur de tableur le sait bien, il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’au bout d’une analyse pour appréhender les premiers résultats ou confirmer une intuition. L’avantage du tableur réside dans sa grande flexibilité et le peu d’effort nécessaire pour produire rapidement des résultats significatifs. Peut-être par paresse intellectuelle ou par manque de temps, l' « homo œconomicus » ne cherche pas à atteindre une solution optimale, mais seulement un niveau d’efficacité satisfaisant... et pour cela le tableur ou d’autres outils décisionnels tactiques sont largement suffisants pour justifier sa décision.
Cette constatation, lourde de conséquence pour les éditeurs, se voit confirmée par l’étude ALG/Capgemini/IDC menée en mai 2006 et publiée début Juillet dans Decideo. Cette étude nous apprend que 80% des entreprises (de plus de 500 salariés) interrogées disposent encore d’outils inadaptés (tableur, développements internes, …) pour produire leur reporting et leurs tableaux de bord.
Là encore, l’omniprésence du tableur comme outil décisionnel met en lumière la rationalité très limitée des managers dont l'objectif opérationnel est de prendre des décisions aussi rapides qu’efficaces. Selon l’étude, le coupable est aussi à chercher du côté de la culture de l’entreprise qui reste l’obstacle principal à la mise en œuvre de solutions modernes de pilotage et de gestion de la performance.
Le modèle de partage de l’information, cher aux éditeurs, se heurte à l’organisation toujours hiérarchique de nos entreprises, où les informations s'échangent principalement en suivant la voie hiérarchique. Ainsi, les grands éditeurs BI incitent leurs clients à déployer des solutions (portails décisionnels, plateformes d’outils collaboratifs, systèmes de diffusion de l’information) incompatibles avec leur organisation et leur structure de pouvoir. Face à cet état de fait, il n’est pas étonnant que les projets décisionnels soient si difficiles à justifier économiquement. Comme pour le reste des investissements informatiques, la valeur retirée d’une solution décisionnelle n’est pas proportionnelle aux investissements consentis mais reste avant tout une valeur d’usage.
Loin des problèmes de qualité de données ou d’un manque de ressources, c’est la persistance du modèle hiérarchique, qui en centralisant les informations vers le sommet, favorise l’usage du tableur et constitue le frein principal à l'essor du décisionnel.
Alors qu’ils bâtissaient à grand frais et à coup de rachats des plateformes décisionnelles intégrées, les éditeurs ont largement surestimé la rationalité des décideurs et leur capacité à changer de modèle organisationnel.
Les déboires boursiers de Business Objects (-32% sur un an) et d’Hyperion (-36% sur un an), éditeurs phares de la Business Intelligence, vont peut-être les inciter à revoir leur copie, à stopper la surenchère technologique et à s’adapter aux usages parfois basiques de leurs clients. Pour ma part, je leur souhaite sincèrement de retrouver le flair marketing qui leur fait défaut et j’attends avec impatience vos commentaires.
- Microsoft, avec SQL Server 2005, propose une plateforme décisionnelle intégrant une base de données, un serveur OLAP, un outil d'intégration de données et une solution de reporting … le tout pour le prix d’une Logan,
- les acteurs Open Source proposent des briques décisionnelles gratuites (JasperIntelligence, Palo, Pentaho, ...) qui réduisent peu à peu leur écart avec les solutions commerciales et grignotent lentement des parts de marché.
Cette augmentation simultanée de la qualité et de l’ergonomie des solutions, couplée à une baisse du prix global des projets, balaie la mauvaise réputation des solutions décisionnelles (produits chers, mise en oeuvre longue, intégration complexe et onéreuse). En 2006, l’accès à l'information et à la prise de décision est définitivement accessible au plus grand nombre.
Maintenant que les outils sont disponibles, ergonomiques et abordables, une question me traverse l’esprit : pourquoi le marché de la BI n'explose t’il pas ?
Une partie de la réponse réside vraisemblablement dans le sondage en ligne réalisé fin Janvier 2006 dans Decideo (relire l’article « Le tableur reste l’outil de restitution privilégié du décisionnel »). Selon un utilisateur sur deux, le tableur reste l’outil décisionnel idéal. Il est vrai que, lorsqu'il faut unifier rapidement au sein d'un état financier des informations provenant de différentes sources de données de l'entreprise, tous les chemins mènent au tableur.
L’utilisateur de tableur le sait bien, il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’au bout d’une analyse pour appréhender les premiers résultats ou confirmer une intuition. L’avantage du tableur réside dans sa grande flexibilité et le peu d’effort nécessaire pour produire rapidement des résultats significatifs. Peut-être par paresse intellectuelle ou par manque de temps, l' « homo œconomicus » ne cherche pas à atteindre une solution optimale, mais seulement un niveau d’efficacité satisfaisant... et pour cela le tableur ou d’autres outils décisionnels tactiques sont largement suffisants pour justifier sa décision.
Cette constatation, lourde de conséquence pour les éditeurs, se voit confirmée par l’étude ALG/Capgemini/IDC menée en mai 2006 et publiée début Juillet dans Decideo. Cette étude nous apprend que 80% des entreprises (de plus de 500 salariés) interrogées disposent encore d’outils inadaptés (tableur, développements internes, …) pour produire leur reporting et leurs tableaux de bord.
Là encore, l’omniprésence du tableur comme outil décisionnel met en lumière la rationalité très limitée des managers dont l'objectif opérationnel est de prendre des décisions aussi rapides qu’efficaces. Selon l’étude, le coupable est aussi à chercher du côté de la culture de l’entreprise qui reste l’obstacle principal à la mise en œuvre de solutions modernes de pilotage et de gestion de la performance.
Le modèle de partage de l’information, cher aux éditeurs, se heurte à l’organisation toujours hiérarchique de nos entreprises, où les informations s'échangent principalement en suivant la voie hiérarchique. Ainsi, les grands éditeurs BI incitent leurs clients à déployer des solutions (portails décisionnels, plateformes d’outils collaboratifs, systèmes de diffusion de l’information) incompatibles avec leur organisation et leur structure de pouvoir. Face à cet état de fait, il n’est pas étonnant que les projets décisionnels soient si difficiles à justifier économiquement. Comme pour le reste des investissements informatiques, la valeur retirée d’une solution décisionnelle n’est pas proportionnelle aux investissements consentis mais reste avant tout une valeur d’usage.
Loin des problèmes de qualité de données ou d’un manque de ressources, c’est la persistance du modèle hiérarchique, qui en centralisant les informations vers le sommet, favorise l’usage du tableur et constitue le frein principal à l'essor du décisionnel.
Alors qu’ils bâtissaient à grand frais et à coup de rachats des plateformes décisionnelles intégrées, les éditeurs ont largement surestimé la rationalité des décideurs et leur capacité à changer de modèle organisationnel.
Les déboires boursiers de Business Objects (-32% sur un an) et d’Hyperion (-36% sur un an), éditeurs phares de la Business Intelligence, vont peut-être les inciter à revoir leur copie, à stopper la surenchère technologique et à s’adapter aux usages parfois basiques de leurs clients. Pour ma part, je leur souhaite sincèrement de retrouver le flair marketing qui leur fait défaut et j’attends avec impatience vos commentaires.
Diplômé de l’Executive MBA de Paris-Dauphine et de l’UQAM-Montréal, Michael ALBO est directeur financier de la société Tir Groupé (industriel du chèque-cadeau - CA 2005 : 282 M€). Il était précédemment en charge de l’offre « Décisionnel Financier » au sein de la division « Banque & Finance » de la SSII Steria. Michael ALBO est membre du groupe de travail AFAI « Valeur du système d’information ».