Geoffroy d’Hardemare, Directeur Conseil en charge du secteur Assurance, KEYRUS
Depuis l’adoption du texte final de la directive Solvabilité II en avril 2009 jusqu’à l’annonce des résultats de la 5ème étude quantitative d’impact (QIS5) en mars 2011, les compagnies d’assurance et de réassurance ont davantage concentré leurs efforts sur la modélisation financière que sur le calcul du risque d’assurance et des provisions sur le long terme. Pour prendre en compte l’exigence de Solvabilité II dans ce domaine, ainsi que dans celui de la gestion du risque opérationnel, elles ont besoin d’une information de qualité et d’historiques, sachant que toute cette information doit, selon les termes de la directive, être tracée et digne de foi.
On sait que le régulateur, en l’occurrence l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP), portera plus son attention sur l’auditabilité des modèles, sur la documentation et sur la qualité des données que sur le degré de sophistication de la modélisation elle-même. C’est notamment le cas pour les compagnies ayant opté pour un modèle interne complet (basé sur leur structure de risque spécifique) ou un modèle hybride.
Le respect du calendrier de validation impose maintenant aux entreprises de passer à l’action rapidement si elles veulent mener à bien les chantiers décisionnels incontournables pour démontrer la conformité de leurs processus de calcul et de consolidation du risque ainsi que de leur reporting réglementaire.
« Pour prendre en compte l’exigence de Solvabilité II, les compagnies d’assurance et de réassurance ont besoin d’une information de qualité et d’historiques ».
Une information centralisée et homogène
Pour réaliser leurs calculs de provisions et établir leurs états de reporting, les compagnies d’assurance doivent s’appuyer nécessairement sur des données pertinentes, exhaustives et précises. Nous constatons chez nos clients que, si l’information existe, elle est rarement complète et même rarement totalement connue, du fait de sa dispersion entre les différentes branches d’une même compagnie et ses multiples partenaires.
En outre, la logique de silo – le plus souvent par type d’activité – est un frein que nous rencontrons dans la plupart des entreprises du secteur. S’y ajoutent, pour nombre d’entre elles, des problématiques d’hétérogénéité des systèmes et formats de données d’un pays à l’autre. La centralisation, la réconciliation et l’homogénéisation des informations, typiquement dans un entrepôt de données ou data warehouse, permet de dépasser ces difficultés. Cependant, la mise en place d’une telle base ou l’adaptation d’un data warehouse existant aux exigences de Solvabilité, doit nécessairement s’appuyer sur une politique de qualité et de traçabilité de données.
La qualité des données est cruciale
Les outils de qualité de données du marché permettent, après définition des données requises, de vérifier qu’elles existent, de tester leur qualité initiale (profiling), de définir la cible à atteindre et de mettre en place des processus automatisés pour produire des données conformes et suivre en continu la qualité des informations.
Les projets de qualité de données peuvent être extrêmement longs et complexes. Dans le cadre d’un chantier Solvabilité II, pour des raisons de délai, nous recommandons d’en limiter le périmètre aux informations nécessaires et suffisantes pour le calcul des provisions et la publication des états de reporting réglementaire. Dans un deuxième temps, l’entreprise pourra facilement étendre sa démarche qualité à d’autres types de données.
Les processus de traçabilité doivent être industrialisés
« Le système d’information décisionnel permet de répondre à d’autres exigences fondamentales de Solvabilité II, en matière de gouvernance et de pilotage du risque opérationnel, d’inventaire d’assurance et, bien sûr, de reporting ».
Si la qualité des données est cruciale pour la fiabilité des calculs de provision et la conformité du reporting, leur traçabilité est déterminante pour obtenir la validation du régulateur. Tous les assureurs travaillent avec des co-assureurs, des réassureurs, ont parfois des gestions déléguées et autres formes de collaboration avec des tiers. Toute l’information n’est donc pas présente en interne. Pour consolider son risque global, l’entreprise doit pouvoir non seulement rapatrier ces données, mais aussi être capable de prouver leur provenance ainsi que les transformations qu’elles ont subies depuis leur création. Elle doit également être en mesure de dire précisément dans quels calculs et éléments de reporting ces données sont utilisées. Des solutions du marché, dont certaines sont déjà largement utilisées par les actuaires pour les calculs de provisions, permettent d’industrialiser et documenter cette démarche de traçabilité de bout en bout.
Au-delà de la qualité et de la traçabilité de l’information, le système d’information décisionnel permet de répondre à d’autres exigences fondamentales de Solvabilité II, en matière de gouvernance et de pilotage du risque opérationnel, d’inventaire d’assurance et, bien sûr, de reporting. La fréquence accrue des inventaires d’assurance oblige une industrialisation de la collecte, des calculs et du paramétrage qui permettent de définir les provisions. Le bénéfice pour les compagnies dépasse la simple capacité à produire plus rapidement les états d’inventaires. Ces travaux d’industrialisation et d’automatisation, entrepris dans le cadre de la mise en conformité avec la nouvelle directive, contribuent de fait à leur performance future en renforçant leur capacité à tarifer les garanties, suivre l’évolution des sinistres et contrôler leurs risques.
L’urgence se fait sentir sur le reporting réglementaire
La production du reporting réglementaire est une dimension essentielle de la réforme. Le nombre d’états (70) prévus par la directive, l’obligation de les produire pour chaque filiale et chaque branche et de les consolider, en font un chantier majeur pour toutes les compagnies. Pour produire ce reporting il faut, comme nous l’avons dit, des données préalablement préparées, tracées et historisées, mais aussi des outils de présentation et d’archivage des états publiés. Enfin, il est nécessaire d’avoir des processus de validation par les différents niveaux de responsabilité (workflow) pour chaque étape avant la publication définitive.
La plupart des compagnies ont du retard sur ce chantier, beaucoup ayant misé sur le report de l’entrée en vigueur de Solvabilité II. La date cependant n’a pas été modifiée et il devient urgent d’avancer dans la formalisation de la production attendue par le régulateur dès 2013. Une entreprise qui ne serait pas à même de produire son reporting, même si elle remplit les conditions exigées sur le volet calcul des fonds propres, se met en difficulté. Cela explique que nous soyons actuellement sollicités pour mettre en œuvre le volet reporting.
Des investissements incontournables mais porteurs
« Ce qui freine les projets aujourd’hui, c’est la difficultés des entreprises à rassembler et consolider l’information ».
La principale difficulté que nous rencontrons, et que les compagnies rencontrent, ne concerne pas la production et la mise en forme des états : les solutions de reporting des éditeurs spécialisés du marché offrent toutes les fonctionnalités nécessaires, une assurance de conformité avec les exigences du régulateur et, ce qui n’est pas à négliger pour l’avenir, une veille réglementaire. Ce qui freine aujourd’hui les projets, c’est fondamentalement la difficulté des compagnies à rassembler et consolider l’information, ainsi que le manque de préparation et de qualité des données.
Il est clair aujourd’hui que les compagnies auront la plus grande difficulté à satisfaire leurs obligations de reporting, et plus largement les exigences de Solvabilité II, sans investir dans le décloisonnement des silos, la centralisation des informations et la qualité des données. Solvabilité II, qui a déjà provoqué un certain nombre rapprochements dans le monde de l’assurance en France, est incontestablement l’occasion de réaffirmer ces principes qui constituent la base de tout système décisionnel et qui conditionnent la capacité des compagnies à piloter leur activité et leur risque.
Geoffroy d’Hardemare, directeur conseil spécialiste du secteur Assurance au sein de Keyrus, intervient depuis plus de 15 ans pour aider les entreprises à se doter de solution de pilotage, de pilotage technique et de contrôle de gestion. Il a conduit plus d’une vingtaine de missions sur des grands programmes, des cadrages et schémas directeur.
On sait que le régulateur, en l’occurrence l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP), portera plus son attention sur l’auditabilité des modèles, sur la documentation et sur la qualité des données que sur le degré de sophistication de la modélisation elle-même. C’est notamment le cas pour les compagnies ayant opté pour un modèle interne complet (basé sur leur structure de risque spécifique) ou un modèle hybride.
Le respect du calendrier de validation impose maintenant aux entreprises de passer à l’action rapidement si elles veulent mener à bien les chantiers décisionnels incontournables pour démontrer la conformité de leurs processus de calcul et de consolidation du risque ainsi que de leur reporting réglementaire.
« Pour prendre en compte l’exigence de Solvabilité II, les compagnies d’assurance et de réassurance ont besoin d’une information de qualité et d’historiques ».
Une information centralisée et homogène
Pour réaliser leurs calculs de provisions et établir leurs états de reporting, les compagnies d’assurance doivent s’appuyer nécessairement sur des données pertinentes, exhaustives et précises. Nous constatons chez nos clients que, si l’information existe, elle est rarement complète et même rarement totalement connue, du fait de sa dispersion entre les différentes branches d’une même compagnie et ses multiples partenaires.
En outre, la logique de silo – le plus souvent par type d’activité – est un frein que nous rencontrons dans la plupart des entreprises du secteur. S’y ajoutent, pour nombre d’entre elles, des problématiques d’hétérogénéité des systèmes et formats de données d’un pays à l’autre. La centralisation, la réconciliation et l’homogénéisation des informations, typiquement dans un entrepôt de données ou data warehouse, permet de dépasser ces difficultés. Cependant, la mise en place d’une telle base ou l’adaptation d’un data warehouse existant aux exigences de Solvabilité, doit nécessairement s’appuyer sur une politique de qualité et de traçabilité de données.
La qualité des données est cruciale
Les outils de qualité de données du marché permettent, après définition des données requises, de vérifier qu’elles existent, de tester leur qualité initiale (profiling), de définir la cible à atteindre et de mettre en place des processus automatisés pour produire des données conformes et suivre en continu la qualité des informations.
Les projets de qualité de données peuvent être extrêmement longs et complexes. Dans le cadre d’un chantier Solvabilité II, pour des raisons de délai, nous recommandons d’en limiter le périmètre aux informations nécessaires et suffisantes pour le calcul des provisions et la publication des états de reporting réglementaire. Dans un deuxième temps, l’entreprise pourra facilement étendre sa démarche qualité à d’autres types de données.
Les processus de traçabilité doivent être industrialisés
« Le système d’information décisionnel permet de répondre à d’autres exigences fondamentales de Solvabilité II, en matière de gouvernance et de pilotage du risque opérationnel, d’inventaire d’assurance et, bien sûr, de reporting ».
Si la qualité des données est cruciale pour la fiabilité des calculs de provision et la conformité du reporting, leur traçabilité est déterminante pour obtenir la validation du régulateur. Tous les assureurs travaillent avec des co-assureurs, des réassureurs, ont parfois des gestions déléguées et autres formes de collaboration avec des tiers. Toute l’information n’est donc pas présente en interne. Pour consolider son risque global, l’entreprise doit pouvoir non seulement rapatrier ces données, mais aussi être capable de prouver leur provenance ainsi que les transformations qu’elles ont subies depuis leur création. Elle doit également être en mesure de dire précisément dans quels calculs et éléments de reporting ces données sont utilisées. Des solutions du marché, dont certaines sont déjà largement utilisées par les actuaires pour les calculs de provisions, permettent d’industrialiser et documenter cette démarche de traçabilité de bout en bout.
Au-delà de la qualité et de la traçabilité de l’information, le système d’information décisionnel permet de répondre à d’autres exigences fondamentales de Solvabilité II, en matière de gouvernance et de pilotage du risque opérationnel, d’inventaire d’assurance et, bien sûr, de reporting. La fréquence accrue des inventaires d’assurance oblige une industrialisation de la collecte, des calculs et du paramétrage qui permettent de définir les provisions. Le bénéfice pour les compagnies dépasse la simple capacité à produire plus rapidement les états d’inventaires. Ces travaux d’industrialisation et d’automatisation, entrepris dans le cadre de la mise en conformité avec la nouvelle directive, contribuent de fait à leur performance future en renforçant leur capacité à tarifer les garanties, suivre l’évolution des sinistres et contrôler leurs risques.
L’urgence se fait sentir sur le reporting réglementaire
La production du reporting réglementaire est une dimension essentielle de la réforme. Le nombre d’états (70) prévus par la directive, l’obligation de les produire pour chaque filiale et chaque branche et de les consolider, en font un chantier majeur pour toutes les compagnies. Pour produire ce reporting il faut, comme nous l’avons dit, des données préalablement préparées, tracées et historisées, mais aussi des outils de présentation et d’archivage des états publiés. Enfin, il est nécessaire d’avoir des processus de validation par les différents niveaux de responsabilité (workflow) pour chaque étape avant la publication définitive.
La plupart des compagnies ont du retard sur ce chantier, beaucoup ayant misé sur le report de l’entrée en vigueur de Solvabilité II. La date cependant n’a pas été modifiée et il devient urgent d’avancer dans la formalisation de la production attendue par le régulateur dès 2013. Une entreprise qui ne serait pas à même de produire son reporting, même si elle remplit les conditions exigées sur le volet calcul des fonds propres, se met en difficulté. Cela explique que nous soyons actuellement sollicités pour mettre en œuvre le volet reporting.
Des investissements incontournables mais porteurs
« Ce qui freine les projets aujourd’hui, c’est la difficultés des entreprises à rassembler et consolider l’information ».
La principale difficulté que nous rencontrons, et que les compagnies rencontrent, ne concerne pas la production et la mise en forme des états : les solutions de reporting des éditeurs spécialisés du marché offrent toutes les fonctionnalités nécessaires, une assurance de conformité avec les exigences du régulateur et, ce qui n’est pas à négliger pour l’avenir, une veille réglementaire. Ce qui freine aujourd’hui les projets, c’est fondamentalement la difficulté des compagnies à rassembler et consolider l’information, ainsi que le manque de préparation et de qualité des données.
Il est clair aujourd’hui que les compagnies auront la plus grande difficulté à satisfaire leurs obligations de reporting, et plus largement les exigences de Solvabilité II, sans investir dans le décloisonnement des silos, la centralisation des informations et la qualité des données. Solvabilité II, qui a déjà provoqué un certain nombre rapprochements dans le monde de l’assurance en France, est incontestablement l’occasion de réaffirmer ces principes qui constituent la base de tout système décisionnel et qui conditionnent la capacité des compagnies à piloter leur activité et leur risque.
Geoffroy d’Hardemare, directeur conseil spécialiste du secteur Assurance au sein de Keyrus, intervient depuis plus de 15 ans pour aider les entreprises à se doter de solution de pilotage, de pilotage technique et de contrôle de gestion. Il a conduit plus d’une vingtaine de missions sur des grands programmes, des cadrages et schémas directeur.
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