La multiplication des objets connectés accélère l’émergence de gisements de données personnelles pour de nombreux acteurs économiques dans tous les secteurs (opérateurs télécom, banques, assurances, industriels, distributeurs, transporteurs..). La rencontre des données issues de ces objets connectés, qu’elles proviennent de grands groupes ou d’autres acteurs, peut permettre de constituer des collections inédites de type Big Data, dont le volume, la précision, la richesse et la portée seront à la source d’énormément d’analyses poussées, d’opportunités de croisement et de corrélations par l’intermédiaire de services et d’applications qui sauront « révéler » des informations de plus haut niveau.
Après s’être développée et concentrée massivement dans le logiciel, qui, comme le décrit si justement Marc Andreessen [1], « dévore le monde », la valeur de l’économie globale tend à prendre un nouveau virage. Elle prend une forme encore plus élaborée, celle de l’analyse, mais surtout de la possession des données du monde. Ce mouvement vers les acteurs qui contrôlent les données, au-delà des experts capables de les analyser, prépare des bouleversements majeurs dans la chaine de valeur économique mondiale et dans les business modèles des entreprises.
Dans un monde ainsi mis en données, les mathématiques, les statistiques et la programmation deviendront-elles les nouvelles langues vivantes, aussi incontournables que fondamentales ? Que devons-nous attendre des Etats en matière d’orientation de l’éducation d’une part et d’investissement en infrastructure de l’autre ? Au-delà des opportunités, quels sont les risques engendrés par ce nouveau paradigme, sur notre vie privée bien sûr, mais également sur notre libre arbitre et nos choix individuels, face à une dictature potentielle de la prévision ? Il semble que le principe de précaution appliqué au Big Data porterait un coup d’arrêt au potentiel important de ce nouveau marché. Voici six propositions qui permettront de faire de la France un acteur moteur de la révolution Big Data.
Proposition 1. Déployer sur trois ans des programmes test d’utilisation de technologies Big Data dans certains secteurs des politiques publiques afin de dégager des économies directes : par exemple dans le cadre de la lutte contre la fraude à l’assurance maladie, ou dans la gestion de certaines politiques publiques de santé. Les acteurs publics doivent alors obtenir des dérogations de la CNIL. De telles initiatives dynamiseraient tout l’écosystème Big Data, en promouvant la coopération entre les start-up expertes de ces technologies et les grands groupes détenteurs de données complémentaires.
Proposition 2. Faire une proposition de loi sur l’Open Data pour contraindre les administrations stratégiques à ouvrir leurs données concernant les événements et statistiques qui touchent directement à « la vie, la santé et le patrimoine des personnes » et les diffuser sur la plate-forme data.gouv.fr, le portail national des données publiques en France. Il est important d’inscrire la gratuité des données dans cette loi. Aujourd’hui, l’article 15 de la loi de Juillet 1978 (mise à jour en 2003) dispose que les données publiques peuvent avoir un prix [2]. Cette facilité financière d’accès aux données dynamiserait l’écosystème de start-up et interdirait sa captation par un groupe d’entreprises.
Proposition 3. Développer une offre de formation couvrant l’intégralité de la chaîne de métiers reliés au Big Data.
Proposition 4. Valoriser l’expertise française en mathématiques, statistiques et télécommunications et parvenir à les hybrider autour de projets et centres de recherches communs.
Proposition 5. Faire émerger un débat sur l’évolution de la régulation Big Data au sein du gouvernement, des parlements français et européens et des CNIL européennes et évoluer vers une régulation unifiée pour l’Europe permettant aux acteurs européens innovants de bénéficier d’un marché continental. L’éthique de la décision à l’ère des algorithmes ou encore la régulation par le traitement et le processus de croisement de la donnée sont des enjeux dont les pouvoirs publics et la société civile doivent se saisir.
Proposition 6. Faire aboutir la possibilité d’audit et de contrôles des algorithmes par un régulateur certifié sur la protection de la vie personnelle pour les entreprises comme pour les acteurs publics. à Cela permettra une forme de régulation du Big Data qui se focalisera sur la manière dont les données sont utilisées et non sur comment elles sont collectées.
Comme l’humanité a su le faire avec les précédentes révolutions technologiques, nous sommes convaincus que l’usage du Big Data devra être régulé ; ce n’est qu’une question de temps et d’apprentissage. Quant au déterminisme potentiellement extrême induit par la mise en données du monde, gardons à l’esprit que le génie humain ne dépend pas du Big Data, pas plus que l’invention de la voiture n’a fait l’objet d’une demande prévisible des cavaliers, ou que les utilisateurs d’ordinateurs personnels n’aient réclamé le lancement de l’iPad. Dans ce monde de données mises à nu en temps réel, nous pensons que les dimensions humaines de discernement, d’expérience et de créativité, seront encore plus cruciales, encore plus différenciantes.
Luc Bretones est vice-président de l’Institut G9+, Valentine Ferréol est présidente de l’Institut G9+ , Guillaume Buffet est président de Renaissance Numérique.
[1] Entre 2006 et 2014, le classement Financial Times 500 par secteur économique mentionne une progression de +116% des services logiciels et informatiques à 1 744 928,4 millions de dollars contre une progression de seulement +7% pour le secteur télécom fixe et mobile.[2] “La réutilisation d’informations publiques peut donner lieu au versement de redevances” Art. 15, Loi Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal.
Livre blanc (115 pages) téléchargeable gratuitement et sans inscription sur le site du G9+ : http://cr.g9plus.org/2014-12-16-G9plus-LB-Big-Data.pdf
Après s’être développée et concentrée massivement dans le logiciel, qui, comme le décrit si justement Marc Andreessen [1], « dévore le monde », la valeur de l’économie globale tend à prendre un nouveau virage. Elle prend une forme encore plus élaborée, celle de l’analyse, mais surtout de la possession des données du monde. Ce mouvement vers les acteurs qui contrôlent les données, au-delà des experts capables de les analyser, prépare des bouleversements majeurs dans la chaine de valeur économique mondiale et dans les business modèles des entreprises.
Dans un monde ainsi mis en données, les mathématiques, les statistiques et la programmation deviendront-elles les nouvelles langues vivantes, aussi incontournables que fondamentales ? Que devons-nous attendre des Etats en matière d’orientation de l’éducation d’une part et d’investissement en infrastructure de l’autre ? Au-delà des opportunités, quels sont les risques engendrés par ce nouveau paradigme, sur notre vie privée bien sûr, mais également sur notre libre arbitre et nos choix individuels, face à une dictature potentielle de la prévision ? Il semble que le principe de précaution appliqué au Big Data porterait un coup d’arrêt au potentiel important de ce nouveau marché. Voici six propositions qui permettront de faire de la France un acteur moteur de la révolution Big Data.
Proposition 1. Déployer sur trois ans des programmes test d’utilisation de technologies Big Data dans certains secteurs des politiques publiques afin de dégager des économies directes : par exemple dans le cadre de la lutte contre la fraude à l’assurance maladie, ou dans la gestion de certaines politiques publiques de santé. Les acteurs publics doivent alors obtenir des dérogations de la CNIL. De telles initiatives dynamiseraient tout l’écosystème Big Data, en promouvant la coopération entre les start-up expertes de ces technologies et les grands groupes détenteurs de données complémentaires.
Proposition 2. Faire une proposition de loi sur l’Open Data pour contraindre les administrations stratégiques à ouvrir leurs données concernant les événements et statistiques qui touchent directement à « la vie, la santé et le patrimoine des personnes » et les diffuser sur la plate-forme data.gouv.fr, le portail national des données publiques en France. Il est important d’inscrire la gratuité des données dans cette loi. Aujourd’hui, l’article 15 de la loi de Juillet 1978 (mise à jour en 2003) dispose que les données publiques peuvent avoir un prix [2]. Cette facilité financière d’accès aux données dynamiserait l’écosystème de start-up et interdirait sa captation par un groupe d’entreprises.
Proposition 3. Développer une offre de formation couvrant l’intégralité de la chaîne de métiers reliés au Big Data.
Proposition 4. Valoriser l’expertise française en mathématiques, statistiques et télécommunications et parvenir à les hybrider autour de projets et centres de recherches communs.
Proposition 5. Faire émerger un débat sur l’évolution de la régulation Big Data au sein du gouvernement, des parlements français et européens et des CNIL européennes et évoluer vers une régulation unifiée pour l’Europe permettant aux acteurs européens innovants de bénéficier d’un marché continental. L’éthique de la décision à l’ère des algorithmes ou encore la régulation par le traitement et le processus de croisement de la donnée sont des enjeux dont les pouvoirs publics et la société civile doivent se saisir.
Proposition 6. Faire aboutir la possibilité d’audit et de contrôles des algorithmes par un régulateur certifié sur la protection de la vie personnelle pour les entreprises comme pour les acteurs publics. à Cela permettra une forme de régulation du Big Data qui se focalisera sur la manière dont les données sont utilisées et non sur comment elles sont collectées.
Comme l’humanité a su le faire avec les précédentes révolutions technologiques, nous sommes convaincus que l’usage du Big Data devra être régulé ; ce n’est qu’une question de temps et d’apprentissage. Quant au déterminisme potentiellement extrême induit par la mise en données du monde, gardons à l’esprit que le génie humain ne dépend pas du Big Data, pas plus que l’invention de la voiture n’a fait l’objet d’une demande prévisible des cavaliers, ou que les utilisateurs d’ordinateurs personnels n’aient réclamé le lancement de l’iPad. Dans ce monde de données mises à nu en temps réel, nous pensons que les dimensions humaines de discernement, d’expérience et de créativité, seront encore plus cruciales, encore plus différenciantes.
Luc Bretones est vice-président de l’Institut G9+, Valentine Ferréol est présidente de l’Institut G9+ , Guillaume Buffet est président de Renaissance Numérique.
[1] Entre 2006 et 2014, le classement Financial Times 500 par secteur économique mentionne une progression de +116% des services logiciels et informatiques à 1 744 928,4 millions de dollars contre une progression de seulement +7% pour le secteur télécom fixe et mobile.[2] “La réutilisation d’informations publiques peut donner lieu au versement de redevances” Art. 15, Loi Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal.
Livre blanc (115 pages) téléchargeable gratuitement et sans inscription sur le site du G9+ : http://cr.g9plus.org/2014-12-16-G9plus-LB-Big-Data.pdf
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